-Il n’a pas pensé plus loin que le bout de son nez quand ce petit homme m’a lancé ce défi de mots d’esprits. Sait-il que j’ai fait l’école des lettres alors que lui ne connaît que quelques verbes d’usage?
-Je crois qu’il en a eu connaissance. On ne peut dire qu’il ne manque d’aplomb!
-D’aplomb? C’est de la déraison de se mesurer à un homme de lettre, alors que ses pantalons ont été usé que sur le tabouret à traire les vaches!
-Quel est l’enjeu de cette joute?
-Une terre de cent arpent, c’est à peu près tout ce qu’il possède! Il doit être atteint de folie.
-Quand aura lieu cette joute de mots?
-Demain, à l’aurore, y serez-vous? Cela ne durera guère.
-J’y serai, cela sera sûrement divertissant.
Au petit matin, l’homme de lettre, son ami, le fermier et plusieurs curieux se rassemblent sur la place publique.
Le fermier prit parole le premier. Je vous remercie mon cher d’avoir répondu à mon défi de mots. Vous êtes une inspiration pour moi.
Pris au dépourvu l’homme de lettre ne sut que répondre. Puis ne voulant perdre la face, rétorque. Vu mon rang et le vôtre, je vous concède, l’admiration que vous avez pour moi.
-Pour vous démontrer ma gratitude, je vous propose une poignée de main.
-Ah non, sans façon, les mains de fermiers sont gercées, rugueuses et terreuses.
-Alors je me mettrai des gants. Cela vous va?
-Dans ce cas…oui.
-Parfait, je déclare la joute de mots ouverte! Je mets en marche le sablier. Celui qui dira le plus de synonyme de dépréciation gagnera la première joute. Il y en aura trois.
Homme de lettre, commencez!
-dévaluation, avilissement, déperdition, abrègement, supplication.
-Bien, Ă vous fermier.
-dévalorisation, abaissement, diminution, euh…
-Terminé! Voici le compte : Homme de lettre : 5, fermier : 3. Maintenant, selon les mêmes règles, l’antonyme de amuser. Fermier, c’est à vous.
-ennuyer, impatienter, énerver euh…
-temps écoulé, à vous homme de lettre
-assommer, bassi oui c’est cela, bassiner, importuner, embêter…Sur cette deuxième joute, l’homme de lettre hésite, se ravise, perdant ainsi du précieux temps.
-Arrêtez! Le compte pour la deuxième joute : Fermier :3 Homme de lettre :4
Dernière joute, vous devez parler en rimant. Fermier, à vous.
En lançant ce défi de mots
Je me suis trouvé bien sot
Mais malgré l’aspect de mes oripeaux
Je gagnerai, foi de moineau.
Bravo! S’exclame la foule!
-Homme de lettre, c’est à votre tour.
-J’ai de l’instruction
Hum… je ne suis pas hum…
Qu’est-ce qui rime avec on?
Je ne suis pas un con!
L’homme de lettre bredouille, semble chercher au tréfond de sa mémoire des rimes qui ne viennent pas, au grand étonnement de ce dernier.
-Terminé! Le sablier est vide!
Fermier, je vous accorde 4 points, Homme de lettre :1
Compte final : Homme de lettre :10 fermier :11
Le fermier remporte cette joute avec un point d’écart!
L’audience, ahurie, applaudit d’étonnement. Le fermier a gagné son lot de terre de 100 arpents. Grâce au fait qu’il savait l’homme de lettre dédaigneux et grâce à sa grande connaissance des plantes. En fait, il en cultivait une, qui avait des effets particuliers pour quiconque sa peau s’y frottait. Le fermier a usé se subterfuge, en frottant la plante contre son gant et en serrant la main de son adversaire, provoquant ainsi de la confusion, le temps de dire un chapelet.
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sylvianni