Plume de soie Inscrit le: 1/6/2012 De: Envois: 61 |
Jacques, mon ami le poète, venu t' éteindre dans la Hague..... Jacques, mon ami le poète, venu t' éteindre dans la Hague.....
Jacques, mon ami le poète, Jacques Prévert, tout a déjà été dit sur toi, tout a été écrit et je n' ai plus rien à ajouter quand à ta personnalité.
Je ne peux qu' exprimer des sentiments, des idées et mon ressenti face à ton personnage et à ton oeuvre.
Jacques, mon ami le poète, quand je te rends visite dans le cimetière d' Omonville-la-Petite, cimetière qui devrait être si triste, mais que je trouve si gai de par ta présence, je suis conforté dans ma certitude qu' un poète ne meurt jamais.
Jacques, mon ami le poète, témoin de ton époque, observateur éclairé et lucide de la marche en avant de notre monde, sentinelle vigilante des dérives des continents et des hommes, tu as toujours su trouver les mots justes, les mots simples, pour exprimer derrière ton air bourru, tout l' humain qui sommeillait en toi.
Jacques, mon ami le poète, tu n' as jamais côtoyé les dominants et les vainqueurs, non, tu t' es toujours rangé près de ceux à qui on ne donne pas la parole, malgré leur besoin de parler.
J' en veux pour exemple ce cancre que tu as su dépeindre aussi bien dans l' un de tes poèmes, et bien ce cancre sans doute imaginaire a pourtant bel et bien existé, oui Jacques, ce cancre c' était moi.
Jacques, mon ami le poète, tu as compris que c' est avec des mots humbles et sans prétention que l' on construit les plus beaux des poèmes et, si on t' avait proposé une place au Panthéon des poètes, tu aurais refusé d' y reposer en préférant la quiétude d' Omonville, la mer indomptable toute proche et le crachin de la verte Normandie.
Non Jacques, mon ami Jacques le poète, les hommes d' esprit ne meurent jamais, leurs écrits, reflets de leurs pensées, traversent le temps et traversent l' espace.
Jacques, mon ami Jacques le poète, Prévert pour l' état-civil, Jacques, poète du quotidien, voguant allègrement entre surréalisme, existentialisme et réalisme, assoiffé de liberté, la Hague ne te remerciera jamais assez d' être venu y apporter ce souffle qui lui manquait.
Saisi par l' objectif du grand Robert Doisneau, à quoi penses-tu Jacques, mon ami le poète, assis à la terrasse d' un café, la cigarette entre tes lèvres et ton chien couché à tes pieds ?
Observais-tu simplement le va-et-vient de la rue en y cherchant l' inspiration pour un nouveau poème ou pour un nouveau film ?
Venez, mais venez donc, vous les amoureux de la poésie, vous mes amies poétesses, vous mes amis poètes, venez ici à Omonville, discuter, dialoguer avec Jacques, il vous attend.
Ecrivez-lui des poèmes que vous lui réciterez comme il m' arrive de le faire, qu' il pleuve, qu' il vente ou que brille le soleil.
A Omonville, la table n' est point mise, car ce ne sont pas ripailles que je suis venu chercher ici, mais la complicité de mon hôte, tout comme je viens chercher l' affection de celui que j' aurais voulu connaître et fréquenter, l' affection de Jacques, mon ami le poète, de mon frère, mon frangin, et pourquoi pas d' un autre de mes pères que j' aurais pu appeler.....Papa.
Du cancre à Barbara, du cheval dans une île au jeune lion en cage, des amants de Vérone aux visiteurs du soir, de la plate-forme de l' autobus à la terrasse du bistrot, je ne me lasse pas Jacques, mon ami Jacques, de te lire et de te relire, car avec toi j' apprends, je continue d' apprendre, j' apprends encore, j' apprends la vie, la vraie vie et non celle, édulcorée, que les bien-pensants tentent de faire avaler au peuple si malléable.
Jacques, mon ami le poète, Alexandre Trauner qui repose près de toi et Joseph Kosma furent tes amis, oserais-je employer l' expression..... " d' amis utérins "..... et, tous les trois, vous manquez terriblement à Montmartre, à Paname, au cinéma, à la poésie et à la chanson.
Sans doute, comme moi, es-tu venu t' asseoir sur un rocher, à deux pas d' ici, à Goury, sans doute as-tu admiré la Manche grise et sauvage, sans doute as-tu, toi aussi, parlé aux vagues et au vent, et c' est cette nature si belle dans sa brutalité, sa violence, si belle dans ce qu' elle a d' indocile, qui t' a incité à venir à Omonville à la recherche d' autres muses et des sirènes du Raz Blanchard.
Jacques, mon ami Jacques le poète, il ne suffit pas d' avoir donné ton nom à de nombreuses écoles, non, ne vaudrait-il pas mieux que chaque enfant apprenne " le cancre " et non pas " le chant de guerre pour l' armée du Rhin ", la Marseillaise, ce chant de haine de ce prédateur de Rouget de l' Isle !
A bientôt Jacques, je reviendrais te voir prochainement ici, chez toi à Omonville, et je m' installerais comme je le fais souvent, sur la marche de la petite porte latérale du cimetière, face au caillou sur lequel ton nom est gravé..... Jacques Prévert.
Jean-Claude Fissoun
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