Tu me dis me sentir quand tu ouvres un tiroir...
Tu me dis me sentir quand tu ouvres un tiroir…
Tu me dis me sentir quand tu ouvres un tiroir, comme une ombre légère, un frisson dans le noir.
Me vois-tu au soleil, lorsque dansent les ailes de ces oiseaux bleutés, impalpables hirondelles de nos amours feutrées ?
Je te sens quand je lis des papiers surannés, nos cahiers d’écoliers, ou ces mots des aèdes. Et aussi quand ta main vient danser sur mes hanches, papillon de satin, comme un bien beau dimanche.
Il y a tant de tiroirs en nos vies séparées, et des coins à guetter, et des jours de septembre. Quand les grappes sont lourdes d’avoir bu tant de vent, et que la mer respire sans les rires d’enfants…
Un vertige me prend : tous ces mots à apprendre, rivières à traverser, nos méandres à aimer. Et ces neiges, tant de neiges.
Car une rencontre, c’est comme un névé. Un champ immaculé, un espace à aimer, et la terre qui bat comme un cœur à surprendre. Il faudra bien s’harnacher, pour éviter crevasses, et puis chausser lunettes pour ne pas s’éblouir.
La lumière.
C’est elle qui nous a rassemblés.
Il y avait eu ce feu follet, cet éclair. Comme un son dans l’orage, cet éclat de folie. Et puis l’aube, cet astre immense, c’était toi qui te levais, à l’autre bout du monde : je me sentais renaître en tes rayons nouveaux.
Nous voilà entre chiens et loups, déjà . Je n’ai pas eu loisir de t’apporter le panier du vendangeur, et pourtant j’avais préparé la nappe cirée et le cidre bouché, et les groseilles mûres et le pain frais coupé. J’avais rêvé ce repas sous l’abri des fenières, tout près de la source où chantent les fougères.
Tu m’aurais embrassée au midi. Les foins brûlants auraient piqué nos jambes, mais nous n’aurions senti que les mille douceurs de nos bouches enlacées.
Demain sera un autre jour, et tous les ans encore nous diront cet amour.
Je veux traverser les mondes avec toi, et parcourir des terres. Il m’est égal que tu vives en village éloigné, et que Dame Merveille en soit compagne enchantée.
Je serai ta lutine, ton elfique enjouée, l’autre goût de tes jours.
Tu verras mon visage au couchant apaisé, tu liras mes poèmes au beau cœur de l’été. Je serai ta Dame à la Licorne, ta Poucette, ton secret.
Tu l’ouvriras, le tiroir. Il y aura ce mot griffonné sur le quai, quand après LA rencontre je pleurais en tes bras. Et aussi cette fleur, toute mauve et froissée, de l’arbre à papillon découvert vers les Dômes, quand nous marchions cachés, deux amants polychromes.
Tendre carte postale, que tu m’as envoyée…L’encre bleue effacée, par mes larmes effrayée. Car je te faisais peur, avec mes jérémiades, tu voulais du léger, du ouaté, de la mousse.
Et moi qui te voulais de mes sabots ferrés, paysanne obstinée, me prenant pour la reine. C’est que l’âme des filles pèse lourd aux amants, un pesant de tendresse, comme un bel ouragan.
Pardon mon bel amour pour tant de balivernes, pour ces billevesées quand tu rêvais taverne. Je ne sais que t’aimer, te chérir et t’attendre, que le ciel soit de braise, ou qu’il gèle à pierre fendre.
Refermons ce tiroir, laisse-le, il déborde.
Je resterai blottie, colifichet de rêve, entre myosotis et couleurs bayadères. Tu me prends quand tu veux : je serai ton mystère. Te promets d’être douce, et tigresse la nuit, quand notre lune rousse veillera sur nos braises et nos lits.
Tout là haut sur les neiges, au névé de nos vies, tu verras mes sommets comme autant de victoires, en mon manteau de neige, comme un sacre en printemps, et puis nos edelweiss, ces sourires du temps.
Garde-moi.
Et montons au Lac d’Oô, en estives extasiées, pour aimer en turquoise notre histoire croisée.
Sabine Aussenac
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Lou, aux nuits rossignol...