Le DécerveléIl n'y a pas si longtemps je savais bien des choses
Des choses de la vie, apprises chaque jour,
Et puis j'en étais fier, comme de cette rose
Que l'on a cultivée, chérie avec amour.
Il n'y a pas si longtemps, que de savantes choses
Encombraient ma cervelle et que j'en étais fier!
J'ai jeté au placard cette savante gnose.
Je ne suis pas plus mal que ce que j'étais hier !!
J'ai mis un certain temps à comprendre la vie,
J'ai mis, Dieu soit loué ! vingt ans à vue de nez.
Et je me dis souvent avec un peu d'envie
Que certains l'ont compris avant que d'être nés !
Ah ! Quelle vanité de savoir quelque chose !
Regardez les navets, les melons et les choux.
Ils sont heureux, béats, rebondis... et pour cause,
Ils ne pensent à rien, ne sont ni tu, ni vous !
Ah ! Quelle belle vie que celle d'un légume,
Même pas cultivé. Inculte... Mais gaillard,
Dodu, gras, épanoui, sans aucune amertume.
Le décervellement lui donne un air paillard !!
Depuis que je me suis pratiqué sur moi-même
Cette lobotomie, je comprends mieux les gens.
Je comprends mieux la vie d'un pied de chrysanthème,
D'un pied de cornichon... je n'ai plus de tourment !
Je vis béatement en souriant aux anges
-Le parfait songe creux, le ravi permanent-
Je me dis : "Maintenant, plus rien ne te dérange.
C'était ton vain savoir qui te causait tourment !!"
Et ce n'est pas demain que je relis des livres !
On m'a eu une fois, on ne m'aura pas deux.
Maintenant je comprends enfin comme il faut vivre,
Et que, moins tu en sais... et plus tu deviens vieux !
Ah ! Devenir bien vieux sans avoir rien à faire,
Rien à quoi réfléchir, rien du tout à penser !
Quelle félicité ! Asseoir son cul par terre,
Et puis ne pas avoir de tête à se creuser...
Il y a vraiment de quoi devenir centenaire,
Il y a vraiment de quoi souhaiter de travailler,
Faire n'importe quoi, creuser un trou par terre,
Pour avoir le plaisir de le voir reboucher.
Maintenant, je les plains, ces gens pleins de science
Que l'on voit avancer avec un oeil éteint,
Sous un sourcil froncé, frissonnant d'impatience,
En les voyant passer, les pauvres, je les plains !
Je me vois quand j'étais semblable à ces apôtres
D'un savoir surhumain, d'un esprit cultivé,
D'un cerveau obscurci d'absurdes patenôtres...
Ah ! Comme j'étais fou !! Mais je me suis soigné !!
Que je suis satisfait ! Pas une particule
Ne frémit jamais plus au fond de mon cerveau.
Je ne trainerais plus cette âme ridicule
Quand on me couchera au fond de mon tombeau...
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Avec mes amitiés
Alain
Pour voir mon site : Mes vers à moi
""A la cour, mon cher fils, l'art le plus nécessaire
N'est pas de bien parler, mais de savoir se taire !""
(Voltaire)