Plume de satin Inscrit le: 13/8/2009 De: Envois: 24 |
Cervelle de moineau Une grande avenue de Paris. Une statue siège majestueusement. Un SDF dort sur un banc, la bave aux lèvres, un vieux chapeau sur le visage pour cacher la lumière, protégé par une horde de cannettes de bière achetées la veille à l’épicerie du coin avec l’argent récolté tout au long de la journée auprès des passants, lesquels grouillent par dizaines dans tous les sens, pour la plupart pressés, ne prêtant aucune attention à ce qui les entoure, faisant s’envoler les moineaux et les pigeons à chacun de leurs pas.
« Maman, j’ai très envie de faire pipi ! ». Un enfant s’arrête au pied de la statue, jambes croisées, ses deux mains empoignant son pantalon dans une chorégraphie ridicule à base de génuflexions et de gestes improbables, n’y tenant plus. « Je t’avais prévenu avant de partir, il fallait y penser avant, tu attendras d’être rentré à la maison ! » lui lance la mère, qui n’a vraisemblablement pas saisi l’urgence de la situation au travers de la danse de son fils. « Mais je ne pourrais pas tenir, j’en peux plus, je vais faire pipi dans ma culotte, laisse-moi aller me cacher derrière la statue juste une minute… » « Il n’en est pas question ! Sais-tu au moins qui est cet homme sur lequel tu voudrais faire tes besoins ? C’est un très célèbre militaire, qui a vaillamment combattu pour notre patrie. I l mérite le respect. C’est un modèle pour nous tous. Ils ne t’apprennent donc rien à l’école ?! Allez, file te cacher derrière cet arbre, et fais vite, nous sommes pressés ! ».
Soulagé, l’enfant rejoint sa mère, contemplant la statue avec admiration. « Mais alors maman, pourquoi le monsieur qui dormait sur le banc il est allé vomir sur la statue ? Et pourquoi le chien là -bas il peut faire pipi dessus lui ? C’était un super – héros comme Spiderman le monsieur ? » « Oui mon chéri, c’est un peu ça, allez viens, nous sommes pressés. » dit la mère en s’éloignant. Le garçon, se tenait debout, rêveur, devant l’homme de pierre à l’allure parfaite, chevauchant courageusement sa monture. De loin, sa mère le rappela : « Adolphe, dépêche-toi s’il te plaît, mamy nous attend ! ». Le garçon se mit à courir pour rejoindre sa mère, se jurant qu’il reviendrait admirer cette statue grandiose.
Un moineau, posé sur l’épaule de la statue, lâcha une fiente qui éclata sur la poitrine du prestigieux militaire puis s’envola. « Tiens, pensa-t-il, voilà une médaille que tu as vraiment méritée. Nous les moineaux, on a peut – être pas de conscience, on a peut – être pas de patrie, mais on sait vivre tous ensemble sans s’entretuer en leurs noms. Continuez, humains, à pisser sur les arbres, ceux qui vous font vivre, et adorez vos dieux mégalos, qui vous font mourir pour leurs idéaux. »
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