Ils sont dix-huit à boire
Dans ce bar sordide et noir
Le bar du désespoir
Ils ont peine à voir
Dans cet état dérisoire
Personne ne veut voir personne
Ils sont aveugles et aphones
Placides, rigides et atones
Héritiers de tant de désespoir
Ces hommes ont trop souffert
Pour pouvoir encore croire
Au bonheur
Ils ne savent plus sourire
Ils n'ont qu'un seul désir:
Boire!
Quand ils auront bien bu
Ils deviendront des zombies
Des démons de la nuit
Prêts à toutes les folies
Au nom de l'ivresse!
Ils boivent en silence
Chacun attendant son absence
Maudissant son existence
Chérissant son errance
Haïssant sa présence
Seul avec sa solitude
Qui meuble son vide
Et sa déchéance fatidique
De la boîte à musique
Archaïque et nostalgique
Fuse une chanson assourdissante
Fracassante et irritante
Qui se veut populaire
Qui voudrait bien plaire
Et qui ne plaît guère
La télé est silencieuse
Ses images défilent ennuyeuses
Nonchalantes et douloureuses
Ils ne la regardent pas
Blasés et las
Ils ne réagissent pas
Ils ne sont plus lÃ
Ils ne croient plus à rien
Ils ne désirent plus rien
Ils ont tout perdu
La vie leur a tout ravi
Toutes leurs envies
Même leur dignité
Même leur humanité
Ils sont cloîtrés
Aucun accès, aucune issue
Leur seule échappatoire:
Boire!
Quand ils auront bien bu
Ils deviendront des zombies
Des démons de la nuit
Prêts à toutes les folies
Au nom de leur tragédie
Chacun boit seul
Enfermé dans sa veste/linceul
Étranglé par sa cravate/licol
Savourant son poison/alcool
Marquant son espace vital
Tel un animal!
Surtout ne pas abdiquer
Ne pas communiquer
Rester caché
Ne pas s'approcher
Ne pas se lâcher
Aucune proximité
Aucune amabilité
Aucune intimité
Même la plus banale
Peut s'avérer fatale!
Le premier qui parle a tort
Le premier mot condamne à mort
Alors
Boire et se taire
Telle est leur devise
Telle est leur hantise
Quand ils auront bien bu
Ils deviendront des zombies
Des démons de la nuit
Prêts à toutes les folies
Au nom de leur rancœur
Ils n'auront plus peur
L'autre ne sera plus l'enfer
L'autre sera ami et frère
Ils ne voudront plus s'isoler
Impatients de parler
Prêts à tout dévoiler
Tout étaler, tout déballer!
Mais ils ne le pourront plus
Muselés
Ils ne feront que bafouiller
Balbutier, bredouiller
Vociférer, grommeler
Grogner, ronfler
Incapables d'articuler
Ayant trop bu!
Ils inventeront alors leur langage
Celui des illusions et des mirages
Celui des signes et des images
Celui des fous, celui des sages
Ils seront assez fous pour s'entendre
Assez sages pour se comprendre
Et la démence de l'ivresse
Sa transe et son allégresse
Commencent!
Maintenant qu'ils ont bien bu
Ils sont devenus des zombies
Des démons de la nuit
Prêts à toutes les folies
Au nom de leur beuverie!
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Agadir, le22/2/2012
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!