Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
173 utilisateur(s) en ligne (dont 145 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 3
Invité(s): 170

Selenia, Fax2014, BOUCHARBA, plus...
Choisissez
Coquelicot entre les lèvres
Hébergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     Chaiba,le vendeur de poisson
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
Mostafa
Envoyé le :  10/5/2009 16:47
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Chaiba,le vendeur de poisson
Chaïba, le vendeur de poisson

- «Holà! Chaïba ! Hoho ! Mon fils!
- Voici ma vieille mère qui vient. Que fait-elle loin de sa «Khayma»? Que me veut-elle encore dans cette canicule ?
- Chaïba ! Tu vas rester chômeur pour combien de temps? Va chercher du travail comme tout le monde !
- Il n'y a rien! Cette maudite sécheresse a tué toute vie dans ce patelin désert.
- Cherche ailleurs! La terre de Dieu est vaste. Fais comme « Abass El Majrab »,
va à «Gadir»!
- Que veux-tu que j'aille faire au pays des berbères ? Je ne parle même pas leur «Taschelhite»,cette langue bizarre!
- Il y a beaucoup de travail à « Gadir » et de l'argent! Tous ceux qui y sont allés ont fait fortune en un clin d’œil. Va mon fils, va! Et que Dieu soit avec toi ! »
Un matin, Chaïba, sa femme et leurs quatre enfants descendent du car après une nuit de voyage interminable.

Premier souci: Chercher un logis. Le loyer est plus brûlant que la canicule du Sahara. Chaïba se rend compte très vite que cette cité ne s'est pas fait rebâtir après le tremblement de terre pour lui et ses semblables. Elle est jolie, construite suivant la dernière mode architecturale pour les autres; ceux qui ont du pognon... Après des jours de recherche et d'enquête «policière», il trouve enfin une chambre avec les voisins dans une petite maison au quartier «Djerf», à Inezgane, à dix km d'Agadir.

Deuxième souci: Chercher du travail. Le rêve de Chaïba s'est évaporé dès les premières tentatives et le cauchemar a commencé à aiguiser ses crocs. Il faut faire quelque chose: Sa bourse restreinte tarira bientôt et ses enfants risqueront de mourir de faim...
Et il n'est pas question de revenir au bled! Il a vendu son champ à «Si Bouregba» le féodal/président de la commune/député. Il sera la risée du douar, plutôt mourir au pays des berbères où personne ne le connaît! Où est l'argent de «Gadir»? Où est le travail de «Gadir?!

Chaïba achète une bicyclette noircie par la corrosion, au guidon ressemblant étrangement aux cornes d'un bélier. Il se réveille à cinq heures du matin et parcourt quinze kilomètre pour atteindre enfin le port de «Gadir»...
Il est vêtu d'une blouse bleue, un pantalon noir très sale, des sandales en plastique de couleur inconnue... Un chapeau appelé «Taraza» protégera son crâne dégarni du soleil impitoyable de «Gadir». C'est son uniforme de travail, qu'il vente ou qu'il pleuve... Mal éveillé, il se dirige immédiatement vers les petits cafés du port pour calmer son ventre bien éveillé. Il prend un bol de «Bissara» (soupe aux fèves) bien pimentée et ornée d'une cuillerée d'huile d'olive. Il y trempe machinalement son pain noir «Mahrache» en sirotant un thé à la menthe bien chaud: un vrai régal matinal! Puis il allume sa première cigarette populaire de la journée «Casa Sport» en contemplant la mer... Allez, au boulot! Une duré journée l'attend:
Il attend, avec les autres vendeurs de poisson, que les chalutiers accostent et déchargent leurs caisses... Et une vraie ruée vers l'or de la mer commence. On demande le prix, on choisit, on marchande, on calcule, on hésite, on réfléchit, on discute, on épie, on ment, on ruse, on... Ce n’est pas facile d'acheter du poisson au port d'Agadir, vous savez!

Chaïba remplit sa caisse bien ficelée à l’arrière de son vélo, la couvre avec un morceau d'un grand sac de sucre, enfourche sa bicyclette qui se souvient encore de la 2ème guerre mondiale et pédale vers les quartiers populaires de «Gadir». Il fait sa tournée quotidienne en criant à s'époumoner. «Voici le poisson! Voilà le merlan!» Les femmes sont ses principales clientes. Comme elles sont dures à convaincre! Et elles ne sont pas dupes. Elles regardent le poisson d'un œil d'expert, le tâtent, le sentent... Elles sont prêtes à marchander dix minutes pour un ou deux dirhams. «-Quoi? Tu ne veux tout de même pas que je paie ces merlans vingt dirhams le kilo?! Acheter du merlan à ce prix à Agadir, la ville du poisson! C'est une honte! Hchouma!
- Écoute Lalla, s’il te plaît! Le poisson est très cher. Tu ne sais pas qu’il est devenu une denrée rare? Tu ne sais pas que le meilleur poisson va directement à l'étranger et qu'on n'a même pas le droit de le voir?! Le reste va aux autres villes, aux hôtels et aux restaurants de luxe.
- Oui, je sais Sidi, je sais... Nous, les Gadiris, on ne mange que les restes, ils ne nous laissent que le poisson de mauvaise qualité!
- Tu as raison Lalla... C'est la même histoire pour les légumes et les fruits. La qualité sort à l'étranger sans visa et nous, nous mangeons «Dichi»! Tu as déjà vu, toi, une tomate posant, un kilo? Une seule tomate!!
- Allez, pèse-moi un kilo de tes merlans et choisis les gros! Vite, je dois surveiller mon tajine».

Et c'est ainsi toute la journée. S'il lui reste du poisson, il l'étale devant la porte du souk d'Inezgane, à la fin de l'après-midi. ..Le soir, il rentre chez lui, puant le poisson, épuisé. Il fait ses comptes, retire la somme nécessaire pour l'achat du poisson de demain, donne le reste à sa femme.

Il fait ses ablutions et ses prières : celles de toute la journée. Et il va au café du coin, jouer aux cartes avec les hommes ; son seul divertissement!
Voilà comment vit Chaïba, Chaïba qui est venu à «Gadir» la tête pleine de jolis rêves, Chaïba paysan de nature devenu vendeur de poisson pour la survie! Quelle vie de ch… !

Al Bayane, 06/07/1996





----------------
Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
...............................................................................................
Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!

tatsy
Envoyé le :  10/5/2009 20:34
Plume de platine
Inscrit le: 25/11/2007
De: là où nul ne peut me voir, dans le secret de mon âme
Envois: 5776
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Rêves d'une vie meilleure évanouis dans le marasme d'une ville...
Comme quoi mieux aurait valu pour lui de rester au bled, de cultiver le champ vendu...
Mirages...

Katel


----------------
tatsy

"D'une joie même, le souvenir a son amertume, et le rappel d'un plaisir n'est jamais sans douleur" Oscar Wilde

http://tatsy-entre...

Mostafa
Envoyé le :  10/5/2009 22:36
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Oui,ma chère,tu as raison:L'exode rural n'engendre que malheurs et désolation!Il faut aider les villageois à rester chez eux et ne plus avoir besoin d'aller chercher la survie en ville!Merci pour ta lecture!


----------------
Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
...............................................................................................
Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!

Amedyaz
Envoyé le :  10/5/2009 23:07
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 7/8/2006
De: Tafraout Maroc
Envois: 17695
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Azul gwma Mostafa
"Exode" me rappelle le verbe "iksod" en tamazight;c'est pourquoi je suis contre l'exode rural.Je reste chez moi quitte à y bouffer de la roche!
Merci pour ce très beau récit,un constat d'échec social;un destin qui finit mal à cause d'un rêve qui s'est évaporé comme de la fumée
Je te remercie pour cet agréable moment de lecture en ta compagine
Chaïba,je le palins sincèrement le pauvre!
Merci et bonne continuation
Demain,la epirse des cours à 8 heures pétantes
Je dois rentrer au village car je serai la nurse ce soir la maman de Yuba ira à un mariage chez les voisins;elle partira avec Siman car c'est la nuit des femes et les messieurs resteront à la maison
Merci
Bonne fin de soirée et bon début de semaine
Ton frère Mohamed


----------------
"Je n'existe que dans la mesure où j'existe pour autrui"
Manet




Mon blog : http://amedyazamazigh.blog2b.net

Escandihado
Envoyé le :  11/5/2009 7:10
Plume de platine
Inscrit le: 21/11/2008
De:
Envois: 2698
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Encore une belle lecture de ta part , cher Mostafa , et qui montre qu´á
l´heure actuelle , une vie d´El Dorada est de plus en plus difficile á réaliser .
J´ai trouvé l´histoire de Chaiba vraiment tres touchante .
Merci pour le partage !
Honore
Envoyé le :  11/5/2009 10:32
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Cette histoire, si bien contée, nous démontre qu'il ne faut pas quitter sa terre et que les gouvernements devraient aider les paysans à ne pas se laisser prendre au mirage des villes.
HONORE
Mostafa
Envoyé le :  11/5/2009 19:08
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Arpèges
Honore
Mes très chers amis,votre lecture et vos impressions sur mon texte m'honorent et me donnent beaucoup de bonheur.Je vous remercie de vous être arrêtés un petit moment pour me lire,c'est très gentil de votre part!Merci!


----------------
Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
...............................................................................................
Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!

nighttalker
Envoyé le :  27/5/2009 13:26
Plume d'or
Inscrit le: 9/5/2007
De: ALGERIE
Envois: 729
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Rien à dire comme d'habitude sur ta qualité de narrateur qui nous offre des cliches vivants sur des personnages marginaux et en même temps traite de sujet aussi touchants qu'importants.
Chaïba se débrouille comme il peut et se débrouille bien. Beaucoup de personnes qui s'exilent de leur patelin, ville ou pays, sont mus par le désir d'améliorer leur état ou celle de leur famille. Ils ne sont pas à plaindre tant qu'ils prouvent leur utilité dans le lieu de leur exil. De plus les métiers consideres vils et dégradants, sont peu demandes par les citadins et c'est les Zouafra comme on les appellent chez nous (altération du mot : les ouvriers) qui se tapent toujours tous les travaux allant de l'éboueur jusqu'au manœuvrier dans les chantiers de construction, en passant par le concierge, le serveur et j'en passe, et cela sans sécurité ni assurance et avec un piètre salaire. J'en connais quelque uns qui ont reussi à se faire une situation et fonder un foyer en débutant de cette manière. Mon père a fait de même et grâce à son sacrifice et sa ténacité, tous ses enfants sont instruits et ouverts sur le monde. Le destin aurait été probablement autre pour moi s'il était reste là bas. Abandonner sa terre est certes inconcevable mais uniquement si les ruraux avaient les mêmes opportunités que les habitants des villes.
Mes amities cher Mostafa
Mostafa
Envoyé le :  30/5/2009 19:20
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Chaiba,le vendeur de poisson
Mon frère d'Algérie,
Merci pour ce commentaire si riche et plein d'enseignement.Je ne te cacherai point que je suis également fils de paysan venu chercher une vie meilleure en ville,fuyant la misère de son bled.Mon père a fait mille et un métiers manuels.Il a même émigré en Algérie où il a vécu quelques années.Il s'est engagé dans l'armée française...Sa vie mérite un roman(je l'écrirai quand je me serai assagi!)...S'il était resté dans le village,je ne serai jamais allé à l'école!!!..
Chez nous,ces ouvriers célibataires qui font mille besognes manuelles pour une croute de pain,on les appelle "Zouafriya",pluriel de "Zoufri" qui vient de "Ouvrier"!...D'autres prétendent que ça vient de "les oeufs frits" car ils en mangent en abondance!Va savoir!


----------------
Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
...............................................................................................
Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster