Mon miroir m’a dit
Un matin, mon miroir m’a dit
Que j’étais devenu fou.
Il me donna pour asile, où je vis,
Un jardin aux parfums jaloux.
Il me donna pour breuvage
Des lunes enflammées
Qui, dans leur nocturne voyage,
Animent mes yeux de clarté.
Il me donna pour nourriture
Des sourires éphémères d’inconnues,
Des vents furieux dans les chevelures,
Des filles aux épaules nues.
Il me donna aussi son cœur
Pour y entrer,
Pour entendre comme une rumeur
Des cris incessants de naufragés.
Il me donna pour soleil
Des océans d’étoiles éternelles,
Et pour sommeil
Des musiques aux douces ritournelles.
Et il me donna un lit de terre
Pour adoucir mon repos,
Et pour ma tête un coussin de fougères
Bien plus fier que mes oripeaux.
Mais il garda ma mémoire.
Je ne sais plus si on meurt,
Je ne sais plus qui j’ai aimé un beau soir,
Je ne sais plus pourquoi je pleure.
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie. ( Ch. Baudelaire )