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     LA LETTRE
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Expéditeur Conversation
MIETTE
Envoyé le :  18/3/2009 12:19
Plume d'or
Inscrit le: 27/11/2008
De: RENNES
Envois: 679
LA LETTRE
Posée sur la table de la cuisine, la lettre est là, rectangle de papier blanc, à peine froissée. La pliure est peu marquée, comme si son auteur avait craint d’accentuer par un pli trop raide le tragique de son contenu.

L’homme est assis, coudes sur la table, tête supportée par les deux mains pressées. Il a lu la lettre, mais les mots ne l’ont pas encore atteint. Quelques-uns surnagent, isolés, dénuées de sens « …votre fils…sa femme…Jean, notre garçon… ».

Le regard glisse sur le plateau verni de la table. Il s’arrête sur un veinage un peu plus clair, là, juste au bord. Il n’avait jamais remarqué le doux arrondi de son dessin. Tiens, avec ce nœud de bois tout au milieu, on croirait voir un berceau dans lequel un petit être reposerait. Un fils.

Oui, un fils. Il en avait eu un autrefois, qui avait été la plus belle joie de sa vie. D’ailleurs ne l’entend-t-il pas l’appeler du jardin « Papa ! Regarde ce que j’ai fait à l’école ! »Le regard se fait intérieur, remonte le cours du temps. Pierre est là devant lui, tout sourire et tendresse. Cet enfant, il l’a rêvé avant sa naissance, et il continue à le rêver. Il en fera un homme ferme et droit, solide et lumineux, comme les meubles qui dans l’atelier sortent de ses mains. Des mains robustes et rudes qui pour le moment enserrent le menton, jointures blanchies par la tension.

L’œil revient à la lettre, mais les mots terribles qui la traversent n’ont pas de consistance. Ce sont de minuscules dessins dont le fil harmonieux court sur la blancheur du papier. Il s’enroule, s’étire, se rompt et reprend ses voltes et ses enlacements.

Pierre aussi lui présentait parfois de tels feuillets tout couverts de gribouillages où, lui le père, était tenu de déchiffrer « papa » et « maman ». Il en a conservé quelques-uns. Il ne s’accorde jamais la douceur vertigineuse de les contempler, mais il sait bien où il les a cachés, enfouis au plus profond d’un tiroir qu’il se refuse à ouvrir.

Il évoque Pierre à quinze ans, Pierre à vingt ans, un beau garçon vigoureux au regard transparent. Il était parvenu au terme du contrat passé avec lui-même lors de la naissance de l’enfant : transformer ce joli bébé gazouilleur en un adulte sûr de ses droiuts et de ses devoirs, prêt à l’envol. Du moins l’avait-il cru.

Sa pensée butte sur un obstacle invisible et les yeux se portent sur le jardin inondé de soleil que la porte-fenêtre découvre amplement. L’air est immobile, immobile comme lui-
même, prostré devant sa table de cuisine. Les grands arbres et les bosquets réservent des niches d’ombre paisible et fraîche où l’on voudrait se réfugier pour mieux apprécier la myriade d’éclats colorés et éblouis que le soleil dispense sur le jardin, archipel de lumière.

La feuille blanche, cependant, l’attire comme un aimant. Il y revient, pupilles dilatées. Ainsi ce fils aimé et perdu avait une femme qui, elle aussi, lui avait donné son amour, qui sans doute n’avait pas su la tache, cette tache invisible et éclatante dont il était le seul témoin. Une femme qui n’avait pas eu de pardon à accorder, d’image ternie à reconstituer, qui de Pierre ne connaissait que le meilleur. Elle avait pu s’appuyer sur son
épaule ferme, admirer ce cœur ouvert et cet esprit droit dont elle ne savait pas qu’ils avaient failli.

Si elle avait su, aurait-elle eu l’intransigeance douloureuse d’un père trahi dans la confiance absolue qu’il avait eu en son fils ?

(Ă  suivre)


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Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez de vos biens

C'est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement.

Khalil GIBRAN

crisroche
Envoyé le :  19/3/2009 19:47
Plume de diamant
Inscrit le: 27/7/2008
De: RĂ©sistance
Envois: 13522
Re: LA LETTRE


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alaplume
Envoyé le :  20/3/2009 17:01
Plume de platine
Inscrit le: 4/5/2008
De: GUINGAMP
Envois: 4242
Re: LA LETTRE
une belle Ă©criture; je m'en vais lire la suite.
Alain


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c'est toujours quand il est parti qu'on se rend compte que le bonheur Ă©tait lĂ !

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