LE MISTRAL
Né dans les nordiques glaces du monde
Il s’engouffre, bête hurlante, affamée,
Semant la terreur dans la trouée profonde,
Du Rhône indomptable, descend la vallée.
Filant tel un ouragan, une géante fusée,
Sur son céleste orbite savamment posée ,
Il se rue, en main un poignard glacé,
Lame affûtée, vers la Méditerranée.
Dans la chevauchée sauvage d’une tell’ furie
Les oiseaux frileux, dedans leurs nids blottis,
Ebouriffent, de leurs ailes, les plumes jolies
Cherchant, dans la nuit sombre, un peu de répit .
Rien ne semble calmer sa violente colère.
Il vocifère, hurle à travers la bruyère,
Courbant dans sa subite et terrible folie
Herbes et champs en un mouvant tapis.
Tout à coup du delta, il atteint la limite.
Libéré des obstacles freinant sa fuite,
Il hausse la voix, rugit dans les nues
Siffle son courroux, sa rage contenue.
De la mer bleutée, la robe retroussant,
Orne ses jupons de dentelles d’argent,
Gonfle les voiles des paisibles voiliers
Rêvant de galions parmi les chalutiers.
Soudain, surpris par l’immensité de l’azur,
Il s’apaise dans un souffle, un murmure.
Son déchaînement disparaît, s’éthérise,
Sa violence oubliée, il se fait douce brise.