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Expéditeur Conversation
lilouche007
Envoyé le :  14/1/2009 21:50
Plume de satin
Inscrit le: 13/11/2007
De: france,au royaume des mots
Envois: 28
Piano
me voici de retour avec une nouvelle
bonne lecture a tous

Note de l’auteur : Ce texte a été retenu à la 4ème place du concours de nouvelles « L’Arrée du littoral Nord Vendéen ». J’en suis très émue et heureuse car cela me motive d’avantage pour continuer à écrire. Donc merci au jury et à l’équipe de ce concours.

Piano


Je venais juste de rendre visite à un ami à l’hôpital, et c’est en me dirigeant vers la sortie que je le croisai. Son air hagard et perdu ne me disait rien de bon, et pourtant cet inconnu me touchait profondément.

– Excusez-moi Madame, m’accosta-t-il aimablement, votre visage me rappelle vaguement quelque chose. Est-ce que nous nous connaissons ?
– Je ne crois pas … Je peux vous aider ?
– Je termine mon hospitalisation. On m’a retrouvé au bord de la route, je me serais fait renversé par un véhicule, mais je ne me souviens plus de rien. Les médecins m’ont diagnostiqué une amnésie. Il leur a été impossible de retrouver mes papiers et encore moins de retrouver mes proches. Je vais mieux physiquement, je sors donc aujourd’hui de l’hôpital et je veux tenter de recouvrer la mémoire. Seulement, je ne sais pas trop où aller.
– Je peux peut-être vous rendre service, je vis seule dans une grande maison. Je peux vous héberger quelques temps si vous voulez et on essaiera de trouver une solution à votre problème.

Ma solitude chronique m’a rattrapé et je voyais là le moyen de la combler. Venait s’y ajouter le désarroi de mon interlocuteur, qui était loin d’être désagréable à regarder.

C’est une fois arrivés chez moi que j’essayai de le connaître un peu mieux. Au bout d’un moment, je vis bien que notre conversation ne l’intéressait plus, et que son attention était happée par le piano de ma grand-mère.
Dès qu’il effleura les touches, Chopin prit vie plus fort que jamais. C’était comme si le pianiste et l’instrument ne faisaient qu’un. Il vibrait tout habité par de somptueux accords. Moi, assise derrière lui, je pleurais émue par la beauté de la mélodie mêlée à celle de l’homme. La musique semblait raconter toute la vie qu’il avait oubliée.
Mon invité me plaisait de plus en plus. J’avais beau ignorer qui il était, je sentais une étrange complicité s’installer et cela réussissait à combler le silence qui régnait dans ma grande maison.
Chaque jour nous allions flâner au bord de la plage, parlions de choses et d’autres, et de grands éclats de rires rythmaient nos conversations. Celui que j’appelais « mon musicien » reprenait peu à peu pied dans la vie.
Lorsqu’il s’asseyait au piano et commençait à jouer, ses yeux semblaient s’allumer d’une vie nouvelle comme si des choses lui revenaient. Il était parfois heureux, alors son morceau était léger s’égrainant en notes joyeuses et rapides, parfois il paraissait souffrir intensément et alors le piano vibrait de notes teintées d’un romantisme sombre. Sa douleur était poignante, cela transparaissait dans sa musique. Il passait de nombreuses heures, concentré en lui-même ses lèvres murmurant de vagues « Je sais plus… J’en peux plus… ».
Lorsque que je tentais de l’apaiser, il me remerciait en s’excusant.

Durant les premiers jours, j’étais fréquemment réveillée par des hurlements provenant de la chambre d’amis. Je me précipitais pour découvrir mon invité trempé de sueur, les larmes aux yeux qui répétait :

– Stop, stop, stop !

Je me penchais sur lui en l’enlaçant pour tenter de calmer ses tremblements. Je lui demandais d’une voix que je voulais réconfortante :

– Mais « stop » quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Que veux-tu arrêter ?
– Je vois des phares, j’entends le hurlement des pneus et après plus rien. C’est tellement réaliste, je crois que cela m’est vraiment arrivé !

Je pris conscience qu’il avait peut-être véritablement subi cet accident.

Un après-midi, j’avais des courses à faire en ville et j’avais laissé mon amnésique seul à la maison.
Lorsque je rentrais les bras chargés de paquets, la scène qui s’offrit à moi me pétrifia.
La chaîne hi-fi était allumée, le volume poussé presque au maximum, et l’air vibrait, habité des « Préludes » de Chopin.
Il était assis, immobile sur le canapé, tenant d’une main tremblante la pochette d’un de mes nouveaux C.D sur lequel était inscrit : « Préludes de Chopin interprété par Juliano Rialdi ».
Il fixait cette pochette comme s’il avait vu un fantôme, et comme je lui posais une main hésitante sur l’épaule, il sursauta, semblant sortir de sa stupeur.
Il dit simplement :

– C’est moi, je le sais, je le sens.
– Attends une seconde, vérifions cela sur Internet.

Et tandis que mes doigts pianotaient fébrilement sur le clavier, j’étais partagée entre la certitude qu’il avait raison et la question : comment se fait-il qu’il ait échoué ici sans que personne n’ai tenté de le retrouver ?
C’est alors qu’une photo de lui, accompagné d’une ravissante jeune femme, apparut à l’écran.
Je le reconnus instantanément. Troublée par cette révélation, je ne pus m’empêcher de lâcher :

– Mais qui est cette femme ?
– Angelica … Répondit-il d’une voix blanche, tandis qu’il plongeait dans une sorte d’hébétude.

À cet instant précis, j’ai compris qu’il était parvenu à recomposer le puzzle éclaté de son passé.

– C’est la musique qui a rejoué en moi le récit de ma vie, m’expliqua-t-il plus tard dans la soirée adossé au piano.

J’étais assise en face de lui et saisis avec douceur l’occasion qu’il m’offrait :

– Que s’est-il passé avant que je ne te trouve ?
– C’est une longue histoire, mais après tout ce que tu as fait pour moi, tu as bien le droit de savoir. Tu m’as redonné le goût de la musique et l’envie de vivre, me dit-il avec une douce gravité, en plongeant ses yeux d’ébène dans les miens.

Après avoir prit une grande inspiration, il commença son récit en se replongeant dans son passé.

– Je m’appelle Juliano Rialdi, mais tout le monde m’appelle Julien. Ma famille, mes amis, mes fans, ils doivent tous me chercher ! Peut-être as-tu déjà entendu parler de moi ?
¬ – Oui … Tes morceaux passent à la radio.
– J’ai aimé une femme, qui se trouvait être mon manager. J’en étais fou à l’époque, et peut-être que … Enfin, elle s’appelle Angelica, celle que tu as vue sur la photo. De longs cheveux noirs, des yeux dont l’azur vous envoûtent, tu lui ressemble un peu je trouve … Elle était douce, gentille, toujours là pour moi. Mais je devais découvrir par la suite qu’elle était jalouse et possessive. Elle m’a écarté de tout le monde, mes amis, ma famille … Le seul lien qu’elle n’a pas pu rompre, c’est celui qui m’unit à ma musique et à mon public. C’est lui qui m’insufflait la force et le soutien de toujours donner le meilleur de moi-même, quand la passion m’étouffait. Ça a commencé a être l’enfer le jour où elle m’a surpris en train de parler à une autre femme. Elle y a tout de suite vu une tromperie alors qu’il s’agissait juste de retrouvailles avec une amie d’enfance que je considère comme ma petite sœur. Les scènes se sont enchaînées. Des cris, des larmes, des douleurs, et même si je savais que ce n’était pas de ma faute, la culpabilité me rongeait. Plus je me sentais coupable, plus je l’aimais. J’aurai tout fait pour elle … Absolument tout !!! Tu comprends ?

Il cria ces derniers mots sans même s’en rendre compte et me saisit les mains avec ferveur. Je hochais la tête, de plus en plus troublée par l’émotion qu’il mettait dans son récit. Il reprit d’une voix plus douce et soudain triste :

– À la dernière dispute, je lui ai fait comprendre que la situation devenait invivable, que mes sentiments pour elle n’avaient pas changés, mais que je devais m’éloigner quelques temps pour réfléchir. La tournure que prenait ma vie m’était tellement douloureuse que je commençais à sombrer dans la dépression. Je prenais des anxiolytiques pour tenter de tenir le coup. Je décidais donc de partir voir Paco, mon meilleur ami, cuisinier dans un petit restaurant à quelques heures d’ici. J’étais à bout de nerfs. Je m’arrêtai dans un pub histoire de noyer mes soucis dans l’alcool. Je sais, ce n’est pas très intelligent de ma part, mais en cette occasion, l’expression « boire pour oublier » me donnait une bonne échappatoire.
L’alcool et les médicaments ne font jamais bon ménage, dit-il dans un rire amer. Après un énième verre, je me décidai enfin à quitter le pub. Mais même dans les vapeurs de l’ivresse, je me rendais compte que je n’étais pas en état de conduire. Je marchais le long de la route pour me dégriser.
Je n’ai même pas vu la voiture, elle m’a heurté de plein fouet. Quand je me suis réveillé à l’hôpital, impossible de me souvenir de quoi que ce soit, et personne n’avait retrouvé mes papiers. Le reste, et bien, tu connais. Me voilà, en face de toi, à te raconter tout ce que vous m’avez apporté, toi et ton piano.
– Mais que comptes-tu faire maintenant ?
– Je ne sais pas …

Le lendemain, je me levais un peu plus tôt que lui et comme à mon habitude j’allumais la radio pour écouter les informations. La voix du présen¬tateur m’interpella.

« Et puis, triste information de dernière minute, on a découvert le corps sans vie de Mme Angelica Alcala gisant sur le sol de son appartement. La thèse privilégiée par les enquêteurs est le suicide, mais aucune piste n’est écartée. Rappelons que Mme Alcala était le manager du célèbre pianiste Juliano Rialdi qui a disparu depuis plus de quatre mois maintenant. On est toujours sans aucune nouvelle de l’artiste. Les fans qui s’étaient déjà mobilisés pour retrouver M. Rialdi sont sous le choc de la nouvelle et lancent des appels à témoin sur Internet. Nous vous tiendrons bien sûr au courant des suites de l’enquête. Jean-Louis Legrand pour orange matin … »

J’étais totalement figée par le choc de la nouvelle et j’entendis la respiration difficile de Juliano qui était entré dans la pièce sans que je ne m’en aperçoive. Je savais qu’il avait entendu. Je me retournai doucement car j’avais trop peur de voir sa douleur. Pendant un instant, je le surpris le visage vide de toute expression, comme un masque qui n’allait pas tarder à se briser. L’instant d’après, je vis la scène se dérouler devant moi comme au ralenti. Il s’effondra à genoux tandis qu’un hurlement de déni déchirait l’air pesant. Je ne voyais pas son visage qu’il avait enfoui dans ses mains, mais je sentais tous ses sanglots comme s’ils étaient miens, la douleur de cet homme m’était déchirante. Tout ce que j’ai pu faire, c’est tenter de l’apaiser en le prenant tout contre moi pour le réconforter du mieux que je pouvais.


Il vécu des semaines de chagrin inconsolable et des mois d’errance émotionnelle. Face à sa douleur, je tentais de le réconforter de mon mieux.
Puis il reprit pied. Il décida de réapparaître publiquement.
Il fit son « come-back » en organisant un concert privé en la mémoire d’Angelica. Cela lui demanda beaucoup de temps et de travail ce qui nous éloigna un peu.

Ce soir-là, la salle était comble et l’excitation des invités se ressentait même en coulisse. Il faut avouer qu’après une si longue absence, les spectateurs étaient impatients de revoir celui qui avait réconcilié toute une génération avec la musique classique.
Lorsqu’enfin le rideau se leva, les murmures tombèrent et les notes de piano, tantôt joyeuses, tantôt graves, emplirent l’atmosphère. Moi, installée au premier rang, je vibrais en même temps que le piano, épanouie et heureuse. J’avais aimé un homme brisé et je le voyais à présent au sommet de son art. Il renaissait grâce à la musique.
À la fin de son morceau, Juliano prit la parole d’une voix vibrante :

– Je vais vous interpréter à présent un morceau que j’ai composé en la mémoire d’Angelica Alcala que j’ai aimée plus que tout.

Le tonnerre d’applaudissements qui suivit ses paroles fut bientôt emporté par une mélodie qui débuta gaiement pour couler bientôt dans une passion plus grave et déchaînée. Dans l’assistance, où l’émotion était à son paroxysme, je voyais que les proches d’Angelica avaient peine à retenir leurs pleurs, tandis que sa mère ne faisait rien pour arrêter les sanglots qui la secouaient.
Le spectacle me bouleversait, et lorsque je reportai les yeux sur Julien, je vis que des larmes tombaient sur les touches d’ivoire. Lorsque la musique se tut enfin, un silence peuplé de sourires vint récompenser l’artiste.
Puis, sous un déluge d’applaudissements il se leva, et porté par son émotion, s’inclina devant son public.

Quand il se redressa, nos regards se croisèrent. Ses yeux profonds et limpides se voilèrent, il eut un mouvement de recul et durant une seconde, sembla dérouté comme touché par l’effroi. Alors que les applaudissements redoublaient et que son sourire renaissait, je compris que pendant cet éclair de confusion, c’est Angelica qu’il avait vue à ma place …

Fin





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au fil des mots
Lola

tatsy
Envoyé le :  15/1/2009 13:05
Plume de platine
Inscrit le: 25/11/2007
De: là où nul ne peut me voir, dans le secret de mon âme
Envois: 5776
Re: Piano
Une magnifique nouvelle que j'ai pris grand plaisir Ă  lire!

Katel


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tatsy

"D'une joie mĂŞme, le souvenir a son amertume, et le rappel d'un plaisir n'est jamais sans douleur" Oscar Wilde

http://tatsy-entre...

crisroche
Envoyé le :  16/1/2009 8:59
Plume de diamant
Inscrit le: 27/7/2008
De: RĂ©sistance
Envois: 13522
Re: Piano
Un réel plaisir de lecture pour une nouvelle très bien menée dans la narration et le dialogue.


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Honore
Envoyé le :  16/1/2009 10:34
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: Piano
On se prend au jeux des mots et des sentiments exprimés et l'on regrette de voir arriver le mot fin.
HONORE
lilouche007
Envoyé le :  18/1/2009 21:43
Plume de satin
Inscrit le: 13/11/2007
De: france,au royaume des mots
Envois: 28
Re: Piano
tatsy cristoche et honore merci pour vos compliment
ravie ke ma nouvelle vous ai autant plu


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au fil des mots
Lola

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