Dans un jardin public
Triste et mélancolique,
Une jeune non voyante
S’adressant à sa mère:
Que verrais-je, dit Namère,
Si j’étais voyante ?
Tu verrais, dit, la pauvre mère,
Dans ce parc de loisirs,
Des couleurs chatoyantes,
Une belle voie bordée de verdure,
D’arbustes touffus, taillés en clôture
Que surplombent deux grands minarets,
Qui surgissent de deux petits carrés,
Et d’admirables dômes en verre mosaïque
Qui dominent dans chaque coin
Où le chant des oiseaux raisonne en musique
Que tu n’entends, hélas, point!
Tu verrais des fruits sur tous les arbres,
De très belles statues en marbre,
Des fleurs multicolores,
Des oies toutes blanches,
Venues de la Loire et de la Manche,
Rehaussant leurs énormes hanches
De plumage lisse et étanche,
Sous un magnifique arc en ciel,
En faisant leur splendide dance nuptiale!
Tu verrais un agneau dorloté par un loup,
Une souris dormant au museau d’un chat,
De petits enfants jouant avec un lion et ses crocs,
Un vrai, non celui d’un quelconque achat!
Dans un jardin public, sinistre et mélancolique,
Une enfant rêvant de toute cette jolie foire
Est aux anges car plongée dans ses songes,
Pendant que sa mère pleure, tristement, son histoire!
AlgiqueTibar CHIBANI
Poème dédié à la mémoire du poète algérien Ahmed Azeggagh décédé le 24 avril 2003.