Faire l’amour à la pluie
Je marche sous un grand ciel qui se fout des devises,
Des insultes et prières que ma voix lui lance,
Et qui se perdent, vaines, dans sa masse, fumée grise
Nébuleuse des doutes où je cours, où j’avance.
Et j’ai beau regarder sa profonde existence,
L’éternité du cycle qui la met en marche,
Je lui crie mon dépit d’être sans connivence,
De n’avoir en passion, ni déluge, ni arche.
« Hurle et crie tout ton saoul, petit homme de glaise,
Ni le vent, ni l’éclair ne seront ton supplice,
Mais la pluie va venir pour peu que tu te taises,
Voir en toi tout ce qui peut lui être complice. »
Elle arrive et ses gouttes me frappent au visage,
Comme on cogne à la porte d’un bois sec et dur,
Elle insiste et ses mains gigantesques d’orage
Ouvrent en deux ma coquille et ses idées obscures.
Au contact absolu de son être liquide,
Tout mon corps se tend, fend, sous la caresse fraîche
Qui coule sur ma peau, ma conscience frigide,
De mes yeux à mes larmes, jusqu’au bout de mes mèches.
Abandon dans le sein d’une présence douce,
Si légère au toucher de ses membres intimes,
Qu’elle embrasse ma peau sans oublier un pouce
De sa bouche suave et mon cœur s’y abîme.
Et je me sens lavé, baptisé même en mes tréfonds,
Des désirs qui coulent dans mes vies interdites,
L’âme pleine d’eau pure d’une banquise qui fond
Et qui suinte de toutes ses sources maudites.
Jamais main de femme ne m’avait ainsi pris
Du corps aux rêves, entier, à m’en noyer d’amour.
J’entends mieux, je les sens, les baisers qu’elle promit
Qui tombent encore à moi dans leur bruit mat et lourd.
Et sa brume lovée dans les bras amants du vent,
Tombe et se laisse bercer au souffle des voluptés,
Puis se retire de moi, n’oubliant en mon sang
Que toute la force de vivre qu’elle y a glissée.
Et sous l’ondée de ta pluie, mon amour d’élément- fille,
Toi vent, rivière, éclair, ma diluvienne averse,
Toi au-delà de qui tous mes soleils à jamais brillent,
Tu déchires le ciel hideux, brises portes et herses.
Reste en moi l’arc en ciel des lumières d’une pluie- femme,
Dont je ne peux garder le corps, mais voler la chanson,
Celle humide à sa voix : les gouttes chues sur ma flamme
Sifflant en vapeurs montées des feux de ma passion.
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