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     A COEUR, viens et prends ma main (In Memoriam)
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Expéditeur Conversation
Balthasar
Envoyé le :  30/7/2007 2:31
Plume de satin
Inscrit le: 14/7/2007
De:
Envois: 23
A COEUR, viens et prends ma main (In Memoriam)
Les premiers pas furent les plus durs. La pleine Lune n'allumait pas mon chemin. Les trois marches qui brisaient l'harmonie du mur de pierre permettaient d'accéder au petit portail en fer forgé usé par les décennies. Il avait la traditionnelle silhouette des accès aux cimetières, probablement noir à la lumière du jour. Sur la droite, une petite construction abritait un point d'eau et une petite poubelle en ferraille. D'un gris tombal. En prenant la première marche, j'ai laissé la rue vide longeant le mur derrière moi. Je n'aimais pas cette rue. Ni celle qui était plus loin. Aucune n'avait jamais pu m'offrir une place. MA place. Celle qui attend chacun, quelque part. Certains disent que la vie est injuste, cruelle, on la traite parfois vulgairement de salope... Je crois juste qu'elle est comme une prostituée. Tant qu'elle s'occupe de vous, tout va bien. Mis elle doit se répartir. Elle ne saurait appartenir à un seul. Il faut apprendre à vivre par soi après elle, sans son attention constante.

Le jeune homme m'a dit de le suivre. Il s'exprima dans un grec ancien parfait. Enfin c'est ce que j'imaginais. Je comprenais chacune de ses phrases. Mais aucun des mots pour lui-même. Il me prit la main et la mit sur son épaule. Et nous restâmes ainsi. Attendant que le moment soit.

Une légère brise. Mes cheveux couvrant vaguement mes tempes. Mes vêtements épais m'isolant du froid nocturne. L'odeur douce de l'humilité tombée sur la vieille pierre.


Et j'ai senti. D'abord ce parfum lointain. Une réminiscence inattendue. Son parfum. Elle. Quand mes yeux me permettaient encore de voir au lieu d'imaginer le monde. Nous étions jeunes. Très jeunes. A cet instant, je l'ai presque entendu. Sa voix faible, ténue, inaudible.
Le jeune homme a avancé entre les tombes. Les pieds dans les graviers ont harmonieusement accompagnés le rythme de ma respiration. Le vent a un peu forcé en intensité. Donnant un mouvement parfaitement fait pour nous. Il m'a semblé ramené avec lui des son lointains. Des échos de voix. Celles des miens. Mes proches, mes amis. Eux et Elle. Des résurgences du passé. Le souffle de l'air dans mes doigts m'a rappelé tour à tour le satin, le velours, le papier. Toutes ces textures riches de sens pour moi. Mes yeux étaient morts, mais ils ne m'empêchaient pas de vivre cet environnement.
Nous nous sommes arrêtés.


- Tu as quatre décades d'âge. Tu es aveugle.
Pour la première fois, le jeune homme a parlé dans ma langue. Il a usé d'un calme, d'une douceur et d'un respect qui m'ont touché.
- Ils t'attendent. Tous. Suis-moi.
Il a ôté ma main. J'ai eu peur. Un instant durant, j'ai éprouvé cette maudite peur. Comme une angoisse primaire irrépressible. Et mes yeux se sont ouverts à des tâches sombres sur fond noir. J'ai suivi la silhouette devant moi. J'ai avancé en contournant les tombes que je discernais difficilement. Les longues allées m'ont paru encore plus interminables. Je les ai arpenté pendant d'infinissables minutes. Mais au fur et à mesure que j'ai progressé, ma vue a fini par s'améliorer quelque peu. Et j'ai pu voir une lueur lointaine. Plus j'avançai, et plus j'étais... l'appréhension et la sensation d'inconfort m'abandonnait. Je n'avais rien à craindre d'un endroit aussi calme. En arpentant les allées, j'ai fini par recouvrir la vue au point de lire au Clair de Lune les épitaphes gravées sur les tombes, sculptés sur des ornements divers, souvent des livres de pierres, j'ai vu les fleurs défréchis ou récentes, qu'il nous plaît tant de mettre sur les lits de repos de nos chers disparus. Et j'ai voyagé d'époques en époques à la lecture des dates. J'ai regretté de ne lire que des phrases tristes et sinistres. Personne n'avait signé une envie de vire plus forte, une joie de savoir qu'il reverrait un jour son disparu.

Des clameurs. Des sons se sont élevés de ces lueurs plus si lointaines. Des voix. Des éclats de voix joyeux, rieurs. Dans un carré de verdure derrière les dernières pierres. Et sa voix. A Elle. Mais pas seulement. Celles de proches aussi. Les neveux et nièces, cousins éloignés et proches, amis de toujours et amis de tous les jours...
Et je suis arrivé à la limite du champ de lumière du feu de bois. Quand ils m'ont vu, il y a eu un petit silence. J'ai vu leurs visages heureux de me voir. Une quinzaine de personnes s'est rapproché de moi, comme un seul homme. Et tour à tour, ils m'ont tous embrassé, riant, me tapant dans le dos. Je me suis laissé entraîner. Surpris. Heureux. Submergé par l'émotion de les voir tous ici. Pour moi. Et Elle. Elle se tenait là, avec eux. Tous se sont poliment écartés, feignant des discussions badines pour nous laisser la pudeur d'un instant ensemble. En m'approchant, je l'ai étreinte. Combien d'années ? Quinze ? Vingt ? Trop, ma seule certitude. Toi, la seule qui m'aies vraiment donné et pris la passion. Celle qui se consume parfois trop et trop vite. Mais qui laisse une vie entière de souvenir en trop peu de temps. Nous avions été victime des circonstances. Mais à présent nous étions enfin réunis...
Autour de nous, les cousins parlaient du cadet d'une qui tante vivait loin d'ici. D'autres se rappelaient avec rire de leur enfance et des facéties qui l'avaient jalonnée. Le plus vieil ami se remémorait joyeusement nos frasques de jeunesse, soldées par de sempiternelles situations épineuses...

Et je me suis détourné un instant, pour assumer le contrecoup.

Je l'ai vu là. Le jeune homme. Un sourire aux lèvres. Content de me voir aussi touché de la réunion. Il ne savait pas... Si. Il avait su avant que nous arrivions, avant que je ne sache. Il avait su combien ceci pouvait compter pour moi. Mais une pointe d'amertume s'est glissée dans mon bonheur. J’ai su. J’ai alors su tout ce qui se tenait dans ce lieu et ce bonheur. Il l’a vu et m’a adressé un signe de tête. Comme un « Oui. C’est bien cela ». Il avait eu une attention particulière à ce que tout se passe bien pour moi.
Avant que je ne puisse plus, j’ai regardé ces gens, les miens, ceux que j’aimais et qui m’aimais. Et Elle. Je me suis tenu devant elle. Ses lèvres appelaient les miennes. Mais c’est sur son front que j’ai posé mon dernier baiser. Et quand mes lèvres ont prononcé Au Revoir, mon Cœur a dit « Adieu ».

- Merci. Charon. Je n’ai plus besoin de l’illusion. Je n’ai pas besoin de prolonger plus longtemps…
Il a continué à sourire. Ma réaction le rassurait je crois. Il ne voulait pas d’un départ dans la colère, la rage, le sentiment d’injustice. Il m’a juste fait signe de le suivre. J’ai avancé vers lui. Les autres ont commencé à devenir des silhouettes floues. Incertaines. Et progressivement, ils ont disparu. Tous. Dans une dernière clameur de joie et de vie. Nous marchions dans une verdure sombre, épaisse. Et j’ai fini par glisser ce qui me taraudait. A curiosité.
- A quel moment cela s’est-il passé ? Quand j’ai retrouvé la vue ?
- Non, Ami… Dès notre première rencontre. Mais tu n’as pas été prêt à partir avant ce soir. Ce qui t’attend est suffisamment nouveau pour que tu t’y rendes sans émotion de nature à te déstabiliser. Sois sans crainte mon Ami. Je ne te laisserai pas sans rien savoir. Je ne laisse jamais personne démuni face à ce monde nouveau…
J’ai été rassuré de le savoir avec moi pour comprendre ce vers quoi j’allais… Le jeune homme, toujours doux, aimable, calme, apaisant… Sera sans nul doute Celui que je suivrai pour comprendre. Même là-bas.

Avant d’oublier, je me suis rapproché de lui. J’ai plongé la main dans ma poche, et en ai sorti un petit disque d’or, guère plus gros qu’une pièce de monnaie. Et je l’ai glissé dans sa poche. J’ai eu presque honte de ne pouvoir lui offrir plus. Il avait fait en sorte que mon départ soit le plus facilité possible.

Charon… Aucun récit ne te rendra justice. Et nous avons tous peur de toi… Pardonne nous, c’est l’amour de ceux que nous laissons ces bons sentiments là qui se nécrosent parfois et qui te désignent responsable.
polux
Envoyé le :  31/7/2007 22:41
Plume d'argent
Inscrit le: 15/1/2007
De: bourgogne
Envois: 372
Re: A COEUR, viens et prends ma main (In Memoriam)
c'est une belle vision du grand voyage..........
polux
Honore
Envoyé le :  1/8/2007 9:25
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39530
Re: A COEUR, viens et prends ma main (In Memoriam)
Très prenante interprétation du passage du Styx guidé par un Charon plein de bonté pour celui qui va connaitre l'autre monde !
HONORE
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