Quand s'en vient la nuit...
Quand chaque soir je fais le tour
De ce passé qui fait retour
Je sens monter le vague à l’âme.
Lors je revois le fin portrait
De ce copain frêle et distrait
Qui se prenait souvent un blâme.
L’instituteur fort peu clément
De sujet, verbe et complément
Exigeait tout dans le bon ordre.
Je bachotais pour bien lui plaire
Quand mon copain de voix moins claire
Répondait mal, sans en démordre.
Si je pouvais lui chuchoter
Je lui montrais sans chipoter
La solution de tout problème.
C’est là qu’instruit par mon soutien
Il m’appelait Gentil Chrétien,
Ce qui soudain me rendait blême.
N’ayant jamais de la notion
Parlé tout haut pour promotion
Je fus surpris par la formule.
Mais lui tenté par la bonté
Prenait cet air peu démonté
Et s’entêtait comme une mule.
Ce différend inoffensif
Nous rendit lors plutôt pensif
Et nous poussa vers une entente.
Lors en s’aidant, main dans la main,
Comme le veut le sort humain
Tout fut conduit avec détente.
Et puis un jour nos deux sentiers
Nous mirent sur d’autres chantiers.
La vie menait sur d’autres pistes.
Aucun de nous n’eut à pâtir
De ce destin fait pour bâtir
L’Eldorado des utopistes.
Cela fait donc bien soixante ans
Que nous eûmes nos jeux d’enfants.
La paix régnait sur notre Terre.
Aujourd’hui, las, pour le tracas
Le Monde entier voit tant de cas
Où les humains se font la Guerre.