Pourquoi, quand vient le soir, ai-je autant de problèmes
Pour soigner les écrits fondateurs de poèmes ?
Pourtant au crépuscule on devrait s’enivrer
De la douce lumière encline à tout cuivrer.
Le soleil se couchant sur un horizon rouge
Sait bien mettre en valeur toute chose qui bouge.
Derrière ma fenêtre, engoncé comme un loir,
Je feins d’être un veilleur qui travaille le soir.
Alors quand, tout soudain, retentit la pendule
Je trouve qu’est stressant cet engin qui stridule.
A la fin des huit coups je me dis qu’il est temps
De quitter cette planque où je siège longtemps.
Laissant la rue aux gens, au salon je retourne
Me disant qu’en ce lieu plus rien ne me détourne.
Je m’assieds à la table officiant en bureau
Et retire un crayon de son noble fourreau.
C’est là qu’arrivent tout, et le nom et le verbe
Entamant un chapitre où les mots sont en gerbe.
Je me vois décollant avec plein d’opinions
Que je brandis toujours comme de vrais fanions.
J’emplis des plis en tiers qui veut des choses dire
Sans montrer de mon doigt, et surtout sans médire.
La liesse est à portée et je sens bien ma joie
Me donner le tonus pour nuire au rabat-joie.
Et puis s’en vient le trou, la fatidique panne ;
La plume n’a plus d’encre car se ferme la vanne.
Alors en désarroi tout au milieu du gué
Je tente un subterfuge et me dis fatigué.
En fait je ne peux plus enchaîner une suite
Et ne sais qu’espérer un salut dans la fuite.
La Muse en panne aussi me lance un doux regard
Et me dit : « vas dormir, car il se fait très tard ! »
Oui c’est ça, je m’en vais, j’obtempère et me couche
Car je sais qu’il faudra que le tout je retouche.
Il n’est point arrivé le moment des adieux
Même si pour certains je parais plutôt vieux.