Lorsque je partirai, par une nuit sans lune,
Ou par un matin gris, nimbé de clair-obscur,
Chevaucher le désert et par delà les dunes
De mes châteaux d'Espagne bâtir enfin les murs
Libéré de mon corps, mon esprit sans partage
Voguera sur les flots d'un immense océan
Vers le Tout et le Rien, laissant dans son sillage
Les peines et les peurs, bagage du vivant.
J'irai sur des chemins, libéré de mes doutes
Des astres inconnus brûleront dans mes yeux
Où des princes errants, en d'improbables joutes
S'affrontent sans pardon sous le regard des cieux.
J'aborderai la rive où coule la rivière
Qui charrie en son sein de nouvelles amours
Qu'importe qu'elle soit princesse ou lavandière
Je me ferais enfin, poète ou troubadour.
Je chanterai mes mots jusqu'au-delà des plaines
Le vent les portera là -bas vers le couchant
Où l'on voit des troupeaux courir à perdre haleine
Où plane lentement l'ombre d'un oiseau blanc.
J'écouterai le soir, couché sur un rivage
Le murmure incessant que nous porte la mer.
Ces plaintes des gisants des peuples sans visage
Projetés dans l'oubli par le feu, par le fer.
Peuples désincarnés, victime des conquêtes
Par votre corps meurtris, vos villages brûlés
Par l'esclave vendu, le marchand qui l'achète
Peut-il être un pardon pour tant de cruauté ?
Mais, inlassablement, je ferai le voyage
Parcourant des chemins balayés par le vent
Depuis l'aube du temps jusqu'aux confins de l'age
J'irai sans dire un mot, vers d'infinis tourments.
SC
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Boileau