Les joies colères et sanglots
Inopinés
Nous savons qu'ils eurent lieu
Mais nous en souvenons-nous
Le temps de notre enfance
Est si loin
Et nos souvenirs semblables
Aux restes d'un navire qui fit
Naufrage
Et vinrent s'échouer
Sur la grève d'une île sans trésor
Et que nous tentons de rassembler
Las
Nous constatons tristement
Que ces reliquats sont peu nombreux
Et qu'ils ne sont pas les pierres
Précieuses
Qui gisent au fond de l'océan
Nous parcourons à plusieurs reprises
La grève désolée
Sous la bruine et les quolibets des mouettes
En quête des joyaux
Auxquels nous tenons tant
Se peut-il qu'ils soient perdus
À jamais
Que nous les cherchions en vain
Que l'océan ne nous les rende pas
Où sont les repas de famille sur la terrasse
En été
Ponctués d'éclats de rires
Et de feints accès de colère
La première visite du potager
De notre grand-mère
Qui nous dispensa notre première
Leçon de choses
En nous tenant par la main
Les jeux en forêt avec nos copains
Émaillés de querelles subites
Et de réconciliations encore plus
Soudaines
S'agit-il vraiment de NOS souvenirs
Ne les avons-nous pas empruntés
Au grenier des souvenirs de l'humanité
Avons-nous réellement souvenance
D'avoir vu et entendu
Les hallebardes qui tombèrent
Sur la maison de nos grands-parents
En une fin d'après-midi orageuse
De tel mois d'août
Ou bien s'agit-il du souvenir d'un inconnu
Attrapé sur un quai de gare
Ulysse Ulysse
Que ne pouvons-nous
Comme toi
Revoir les rivages
De la douce Ithaque
Parcourir comme toi
À loisir
Le moindre de ses
Sentiers ensoleillés
Et de ses recoins
Ombreux
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“Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan. L'invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre.”
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