Sous le pommier la mort
Ma très chère Élise force m'est d'avouer que cette lettre tu ne la recevra pas
Au clair de la lune lorsqu'elle n'est pas grimaçée , tout autour de moi n'est que trepas
Dieu laisse entrevoir par un heureux hasard , peut-être, la lune qui se fait bleutée
Bien que plus souvent elle se trouve de noirs nuages menaçants souvent tachetés
Ô seigneur je vois avec horreur les abominables noirs corbeaux de mes compagnons faire ripaille
Le chant des alouettes s'est tu , le chant du merle s'est pendu sous la fanfare des bleusailles
Et ô sur cette grande terre nait doucement la bruine
Et moi je suis adossé à cet arbre dans ses tristes ruines
Élise il n'est point vrai que les hommes chantent fièrement sous les chants debouts
La vérité pointe à l'heure où les hommes succombent dans les
champs de boue
Ils ne sont plus vivants , ils ne sont pas morts ils survivent dans leurs outre-tombes
Loin des terres où a la fin de l'été se faisaient les moissons sous les vols des palombes
Dès l'aurore quand hurlent les clairons les notes sont nauséabondes
Seule la nuit quand les étoiles étincellent à demi-teintes , la vie parfois féconde
Dans la demi brume , j'entends au lointain l'église suppliante sous la faible lune
Sur ma montre a gousset en argent l heure s'est stoppée quelque part vers minuit une
L'autre jour au milieu des fosses ou dans les rigoles le sang coulait
J'ai entraperçu il y a quelques jours une pensée que la terre foulait
Dans ses contrées j'aime a croire que bien que la vie ne soit plus que carcasse
Quand bien même mon cœur ne battra plus , tu auras toujours pour moi une place
Ô seigneur pourquoi nous avoir désignés au sort pour cette guerre stupide
Si ce n'est que pour envoyer des agneaux pour l'avidité de seigneurs cupides
Ô seigneurs de vos guerres ne voyez vous pas dans la brume sombre
Dans les tranchées , même les hommes ont peur de leurs ombres
La bruine se fait plus forte et la pluie un peu plus joueuse
Dans mon carré de terre j'écris sur cette terre boueuse
Ce corps a coeur , comme des pièces de vies arrachées je les raccommode
Ce cœur a corps , ce souffle de vie et de cette peur , je m'en accommode
Puisqu'il sera le dernier de mon misérable sort
La terre sera mon sommier et sous le pommier la mort
je ne verrai pas demain le soleil qui se relève
Dans ma poitrine une balle est tel un glaive
Cette lettre restera dans ma main captive
A moins que le vent l'emporte
Pour la mener jusqu'Ã ta porte
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la nostalgie est un bouquet de fleurs enfoui au fond de votre coeur ,
qui vous embaume quand remontent les souvenirs du bonheur ,
yohann