J'ai relu "Le Cid"...
J’ai relu « Le Cid » et… quel superbe récit !
Que de grâce en ces vers et que de poésie,
Héroïsme et amour chantés par le grand maître
Sans oublier l’honneur, la vertu et les traîtres.
Puis l’effroyable choix, noyau de cette intrigue,
Supplice s’échouant dans le cœur de Rodrigue,
Le jour où celui-ci doit célébrer l’hymen
Qui l’unira enfin à la douce Chimène !
Les pères respectifs des deux pauvres amants
Se sont cherchés querelle. Et voici le tourment :
Rodrigue doit venger la fierté paternelle
Et combattre à l’épée le père de sa belle !
Comprenez-vous l’horreur de ce choix indécent ?
En tuant son beau-père, il venge ainsi son sang,
Mais ce faisant il perd Chimène et son bonheur
Cela pour un soufflet ! Au diable tant d’honneur…
J’ai relu « Le Cid » et… pardonnez-moi grand maître !
Au risque de passer pour un ignoble traître,
Si vous aviez voulu que je fusse Rodrigue
J’aurais jeté au feu cette fichue intrigue !
Et je serais parti avec ma dulcinée
Faisant à votre honneur un joli pied de nez,
Délaissant les conflits de prestige suprême
Emportant pour toujours la Chimène que j’aime.
Et nous aurions vécu, tendres, fous et ravis,
Amants pour une nuit, amoureux pour la vie.
L’amour est un berceau, la guerre est mortifère !
Je prends le Paradis et vous laisse l’Enfer !
Ayant été Rodrigue, avec tout mon respect,
Je n’eusse pas donné le moindre coup d’épée
Puisque j’aurais choisi la rose, alliée des Hommes :
L’honneur est une honte… un déshonneur, en somme !
…
J’ai relu « Le Cid » et… le relirai encore !
Pour tous vos vers tissés avec de l’encre d’or !
Pour tout votre génie de l’audacieuse intrigue !
Pour les yeux de Chimène et l’amour de Rodrigue !
…
Si je me suis permis cet éclat d’insolence
Que d’aucuns jugeraient pour de l’impertinence,
Sachez qu’il s’agit là de jalousie suprême :
Quand j’ose comparer vos vers à mes poèmes…