MASCARADE
Terre ma mère première
Entre l’effet de serre
Et l’hiver nucléaire
Et cette humanité grégaire
Et rongée de misère
D’attentats coups d’état
Et menaces de guerre
Planète infime où je me terre
Au fond de l’infini
Parmi les galaxies
Qu’ont fait les dieux de toi
Contorsionnistes envoûteurs
Funambules et prestidigitateurs
Une orange pourrie
Volcan en éruption
Une source tarie
Et dégoupillée
La grenade est lancée
Egrenant les secondes
Voici des cris des hallalis
Venus du bout du monde
Voici qu’aux soirs de sérénade
Succèdent des bruits de canonnades
Il s’approche ce sourd grondement
Raz-de-marée venu du fond des temps
Très tôt les magiciens en foule sont venus
De strass et pacotilles revêtus
Et dans leurs mains ils t’ont tenue
Comme ce joli fruit qu’on disait défendu
Car tu brillais si bleue depuis des millénaires
Evoluais si bien du primaire au tertiaire
Passant des chauds climats aux périodes glaciaires
Secrètement lovée dans ta douce atmosphère
Ils ont fait fuir les fées
Sur ton berceau penchées
Médecins fous et savants divagants
Et dispersé au loin déserts et océans
Changeant l’odeur de nos vies de nos vents
Et souillant les couleurs de nos anciens printemps
Et te voici par eux lancée dans l’infini
Projection formidable parmi les galaxies
Rien qu’un grain de poussière en cette éternité
Aux mains de ces jongleurs petit jouet usé
Planète terre où jadis je suis née
A quoi ressemblera demain
Le matin de ces magiciens
© Hélène De Man
Extrait de « Amours » - Les presses littéraires , p.15
Décembre 1999
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