Dans un coin d'mes WC,
Une boite avachie :
Des 45 français
Gisent dans l'anarchie.
Des idoles d'antan
Dans leurs plates galettes
Qui jalonnaient mon temps,
Partent aux oubliettes.
Alors quand l'envie vient,
Mon corps compulse à faire,
Des voix mortes, un bien
Incongru inventaire.
1950-54
Voici un fou chantant toute âme de poète,
Des feuilles mortes sous les pas du désamour
Un p'tit chien en vitrine aboie pour qu'on l'achète,
Mexico, Paradis des cœurs et de l'amour,
Et ce p'tit coqu'licot, le cœur dans la lumière,
Ici des compagnons sur l'air du galérien,
Une douce chanson d'une biche à sa mère,
Et des souliers usés aux pieds d'un canadien.
1955-59
Tenant ma position, je visite le monde :
Sous le ciel d'Italie, un petit bambino,
Un chant du Portugal et ses gaies lavandières ;
Un ténor nous invite à monter à Rio !
Mais au temps du tango, des sueurs et du bob,
Quelque slow chaloupé dans l'air de "only you",
Ou be-bop syncopé d'un trompettiste snob,
Guident les amoureux vers l'art du scoubidou.
1960-65
Des resucées US, des fientes de guitares,
Jupettes minaudées, rockers BCBG ;
Passons ! Voici enfin quelques artistes rares
Avec de grandes voix ou textes engagés :
Une môm' de Paris et une dame brune,
Un qui chante Aragon, un autre Rutebeuf,
Voici triste Venise et Fanette à la une,
Et voilà le nombril de la femme d'un keuf.
Aujourd'hui la musique,
N'a plus de souvenir,
Plus de support physique,
Pour les temps à venir.
Oisifs seront nos jeunes,
A pousser derrière eux,
Sauf astreindre à des jeûnes,
L'intestin paresseux.