Par ces temps secs portant chaleur
De mon tilleul je garde l’ombre.
Là , d’un élan de pédaleur
Je fuis, déçu, ce monde sombre
Qui s’est doté d’un beau parleur.
D’une harangue haute et plaisante
Il nous prédit des jours meilleurs.
En l’écoutant, mine apaisante,
Je le compare aux grands saigneurs
Dont la faconde est patoisante.
Laver plus blanc me paraît bon
Tant le gourbi se fait maussade.
Mais nulle église à l’horizon
N’a pour slogan sur sa façade :
« Sois donc fervent avec raison. »
Or Dieu lui-même est en déprime
Et ne sait plus qui est bon saint ;
A moins que l’homme aimant la prime
Ne soit plus fort, surtout malsain,
Que la Morale blâmant le crime.
Oyez, gens bons, ce cri pesant
Qui se veut sobre et bien modeste !
Puis sans calcul, chemin faisant,
Suivez celui qui, seul, proteste
Contre le Chef le plus disant.
J’entends hurler encor mon père :
« Il en faut peu pour être heureux !
Vois donc, là -bas, au cimetière
Toutes ces croix visant les cieux.
Qui rendent l’âme un peu moins fière ! »
Dans le partage est le salut
Non dans l'amour de son seul compte.
Laisse la Banque Ă son chahut
Et donne au pauvre un sobre acompte
Qui remplisse son creux bahut.
Certains Nantis de grosse malle
Auraient du mal Ă consommer
Le contenu sans décimale.
Leur coffre fort, dur Ă sommer,
Leur donne un cœur d’humeur vénale.
Je vous le dis, gens démunis !
« N’écoutez plus de la sirène
Les chants pervers trop impunis
Qui font gronder l’humaine arène
Marchant hélas fort désunis. »
Viendra bientĂ´t la parousie
Qui saura vite aider le gueux
A déloger, sans jalousie,
Ce sot cartel peu généreux
Qui, dans son coin, se rassasie.