Benadel a écrit :
Il interprète « Hamlet »
Sa diction est parfaite
Il campe un personnage
Ressortant d’un autre âge
Il doit changer sa voix
Parler comme autrefois
Jouer l’homme qui doute
D’un acte qu’il redoute
Il doit s’efforcer d’être
Celui qui doit paraître
Diablement dérangé
Parce qu’il doit venger
Son père empoisonné
Par un oncle damné
Et voué aux enfers
Par le spectre du père
Le comédien s’efforce
De montrer avec force
Le désarroi qui lie
Hamlet à la folie
Car il est à la botte
D’un mort aux idées sottes
Qui veut pousser au crime
Un Hamlet qu’il opprime
L’acteur joue la démence
Car la peine est immense
Il joue l’homme hébété
Qui doit exécuter
Le parent assassin
Hamlet n’est pas un saint
Mais il ne peut tuer
L’acteur doit simuler
Le grand malheur d’un homme
Que le grand drame assomme
Et qui va délaisser
Ophélie sa fiancée
N’étant plus son amante
Elle en devient démente
La pauvre se suicide
Elle hait l’homicide
L’acteur montre sans fard
La mort avec art car
Hamlet également
Aura son châtiment
Il a suivi son père
Et quittera la terre

Le théâtre se vide
Le visage livide
L’acteur seul dans sa loge
Cogite et s’interroge
Et si l’aliénation
Était la perdition
D’un esprit révolté
Par tant d’iniquité
Et si cette vengeance
N’était que l’allégeance
D’un défaut qui fleurit
Dans les esprits meurtris
La folie l’ultime arme
Des malheureux en larmes
Devient alors l’appoint
Des hommes mal au point

Lorsque l’acteur sortit
Il se fit tout petit
Que valent les vivats
Entendus à tout va
Quand l’œuvre dramatique
Rend bien moins poétique
La folie qui nous peine
En dehors de la scène