I
L'histoire est un courant qui pour l'essentiel
Est l'effet collectif d'actes individuels.
Elle est nourrie d'espoirs, volontés, sentiments,
Qui se mêlent, s'affrontent, ou sont des compléments,
Superposition de maints événements,
Dont la somme est un tout. Inexorablement,
Elle devient puissance, immense, irrésistible.
Le principe entropie la rend irréversible.
Son cours suit un trajet qu'on peut parfois prédire
Quand oracles, sondages ne prêtent pas à rire.
Mais à certains moments l'accumulation
De peurs individuelles, d'exaspérations,
Précipite l'histoire dans des moments de crise.
LÃ , tout peut arriver et aucune entremise
Ne peut déterminer ce que sera demain.
Dans ces instants cruciaux, elle met dans les mains
De quelque individu, allemand, indien, corse,
A l'épicentre de conjonctions de forces,
Le terrible pouvoir d'infléchir son parcours.
Animé par la haine, par la peur, par l'amour,
En créant un concept, ou en donnant son sang;
Dirigeant une armée ou pacifiquement,
En écrivant poème ou pièce de théâtre,
Il y a maints moyens lorsque l'on veut se battre,
Pour faire que demain soit différent d'hier.
Et vous, socialistes, qui avez le pouvoir
Quelle trace allez-vous imprimer dans l'histoire ?
II
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
Que pensent les héros de votre panthéon ?
Pensez à Léon Blum, mort à Jouy-en-Josas
De quel Å“il verrait-il la reddition de Valls
Au congrès du MEDEF ? Serait-il affecté
Par le pacte félon "compétitivité" ?
Les lois Macron-Khomri sont des chevaux de Troie :
Compétitivité ? Emplois ? Mais qui y croit !?
"Croissance", votre Dieu, vous trouve bien trop sages.
Car il demande plus : rétablir l'esclavage.
Le peuple n'est pas dupe, et sa colère croît.
Il crie «Démocratie ! », et vous « 49-3 ».
Quel est le résultat de cette stratégie,
La marque estampillée de l'élite ENArchie ?
Précarité s'envole avec ses corollaires
Marginalisation, violence mortifère,
Repli identitaire, montée du terrorisme,
Les rejetons maudits d’un fou : Libéralisme.
"Moi Président" promet qu'il partira en guerre
Ferraillant sans pitié du haut de son scooter
Contre cet ennemi qui n'a pas de visage:
Le capital et ceux qui en ont l'apanage.
Une si haute lutte demandait un symbole :
Ne perdant pas son temps en vaines fariboles
Il adoube un banquier, Emmanuel Macron.
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
III
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
Vos revirements font à l'honneur un affront.
Est-il un paradoxe, un, qui vous embarrasse ?
Vous adulez Jaurès et reniez Tsipras.
Il est vrai que les morts ont ce grand avantage
De ne point renâcler quand on leur rend hommage.
Lorsque le peuple Grec gémit, souffre et se bat.
Vous, soi disant de gauche, êtes-vous du combat
Contre l'oppression des banques, de l'Europe ?
Dans la nuit du pouvoir vous êtes nyctalopes.
Pourtant le même sort attend demain la France.
Vous, qui vous proclamez adverse à la finance
Avez-vous seulement pensé aux conséquences ?
Trahir les idéaux, renier les espérances,
De ceux qui ont encore des aspirations nobles ?
Et tout cela pourquoi ? Pour permettre à l'ignoble
Rejeton de Friedman, l'utopie libérale,
De s'étendre pareille à pandémie virale.
Chômage, dépressions, désespoir, vies brisées :
Chantent les lendemains, vous nous le promettez.
"Soyons modernes, donc", « Ensembles entrons dans l'ère
Des TAFTA, Goldman Sachs, Troïka et Juncker.
Empêchons l'éclosion du rêve Syriza,
Cernons de barbelés l'ile Lampédusa,
Décapitons sans fin l'hydre qui nous menace :
La révolte des humbles et de la populace.»
Pensez-vous sur ces forces avoir aucun contrôle ?
Vous vous croyez profonds, vous n'êtes que des drôles.
L'avenir appartient aux peuples qui le font.
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
IV
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
Connaissez-vous le mot : «haute » et le mot : « trahison » ?
Accéder au pouvoir requiert maturité.
Vous pouvez y prétendre avec sérénité,
Forts du réseau serré constitué par vos pairs.
Pour devenir adulte il faut tuer le père.
Œdipe vous envie, vous avez tué les vôtres.
Il y a un Judas en chacun des apôtres
Du socialisme mou, celui qui préconise
La prostitution pour sortir de la crise,
Les yeux dans les yeux, par la grâce touché.
Décideurs ne sont pas ceux qui vont se coucher.
Rue de Solférino, savourant le caviar,
On cogite, on débat, on réfute, on prépare,
Manifestes, décrets, rapports et commissions.
Textes de propagande et circonvolutions,
Legs de jeunes premiers aux effets délétères,
Avec en filigrane écrit le mot « carrière ».
Vous avez un cador adoré : Jacqu' Delors.
Or donc, il fut très fort. On lui doit l'âge d'or,
Des banques casino et des capitaux libres
Rigueur, désinflation, constituant la fibre
D'une ambitieuse union du peuple européen,
L'E.R.T (*) aux commandes. Projet cyclopéen,
Qui ne voit que d'un œil, utopie insensée,
"La concurrence libre, saine et non faussée",
Tout autre suggestion devant être inhibée,
Car, chers concitoyens, « il n'y a pas de plan B ».
Cette construction est surtout un gâchis.
La France vous dit "Non!". La Grèce dit "Ochi".
Cette clameur qui monte, vous ne l'entendez pas.
Plutôt, vous l'entendez, mais ne l'écoutez pas.
Comme à d'autres moments critiques de l'histoire,
Les têtes sont murées dans leur tour en ivoire.
Et peut-être demain l'Europe mise à terre,
Redonnera naissance au ver identitaire.
Et si "Aube dorée" métastasie en Grèce,
Et si le FN met la république en pièce
Ces nouveaux dictateurs vos débiteurs seront.
Dirigeant socialiste, ayez le rouge au front.
V
Dirigeant socialiste, vous avez fait vos choix.
L'avenir vous regarde ; l’œil de l'Histoire vous voit.
(*) E.R.T. European Round Table:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Table_ronde_des_industriels_européeens