Toute la ville de Dortmund ne parla plus que du "sang de l'horreur" ...
C'est ainsi que fut surnommée la tragédie qui avait endeuillé l'abbaye de Lammerling...
Chacun y allait de son couplet macabre renchérissant selon son imagination plus ou moins accentuée par l'alcool absorbé... Si bien qu'à la fin on pouvait se demander si les murs mêmes de l'abbaye pouvait tenir debout...
Pourtant, dans l'immense bâtisse constituée de multiples édifices qui se coordonnait suivant un plan habilement élaboré selon l'ordre de saint Benoît tout continuait...
Les obsèques du Père Abbé avait eut lieu... Avec les grandes pompes qui lui étaient dues...
On avait enseveli un cercueil factice où ne demeurait que la tête sous une dalle en marbre déposée entre le Presbytérium et la Porte des morts qui donnait sur un enclos extérieur...
L'évêque d'Essen, le Landgrave d'Hisolberg et le Burgrave d'Hombruch, son vassal direct, avaient présidé la funèbre cérémonie...
Puis ils s'étaient réunis confidentiellement dans un petit local, très à l'écart, dans le logement de l'Abbé, où ils avaient pu essayer de s'entendre sur ce qu'il convenait de faire pour débrouiller cette affaire...
L'évêque, pour sa part, était terriblement pressé car il craignait que Rome ne lui tienne rigueur pour la perte des reliques et de leur réceptacle de voyage...A savoir un somptueux coffret serti d'or et de diamants qui coûtait une somme inestimable...
Le Landgrave, quant à lui, était un homme d'une stature gigantesque, respecté de tous par son sens de l'équité et son courage physique... Sa mâchoire carrée et ferme en disait long sur son esprit déterminé...
Il était vêtu d'une magnifique tunique portant les armes de sa maison... Un lion vert avec une langue rouge
Le Burgrave était un taiseux... Son regard bleu et clair laissait deviner une énergie d'animal sauvage... Il portait un sombre surcot fait de cuir et de laine dont il ne se départissait jamais, même pour les grandes cérémonies... Il était connu pour son indépendance d'esprit et son mystérieux charisme qui en imposait beaucoup...
Après un long monologue de l'homme religieux qui mettait en cause un certain Hieronymos un célèbre chef de bandes qui terrorisait la région, le Landgrave parvint à placer quelques mots à travers ce délayage...
-"Tout cela est bel et bon Mon Père mais nous n'avons aucune preuve directe...
Nous avons capturé un ou deux margoulins, qui sont morts sous la torture, en avouant n'importe quoi mais rien de bien éclairant jusqu'à présent"...
-"Vous n'y mettez pas assez du vôtre..." Répartit l'évêque... "et sauf votre respect je vous dirais que vos hommes sont totalement inefficaces!!!".
Son visage alors s'empourpra...
-"Je sais que l'église est prête à acheter des mercenaires pour mener à bien une inquisition qui nous dirait qui a fait cette félonie afin de rendre ma police ridicule..." rectifia son interlocuteur... Puis il renchérit:
"Mais je peux vous assurer que nous faisons jour et nuit l'impossible pour remonter jusqu'Ã ces brigands qui ont fait le coup!!!"
Le visage fermé, le Burgrave ne disait rien, mais il étudiait la situation...
Bien malin aurait pu être celui qui serait capable de dire ce qui se passait dans ce crâne à la dureté de fer...
On se sépara sans accord véritable...Il était évident que l'on était dans une espèce de brume dont il serait très difficile de sortir...
Un mois, puis deux mois passèrent...
Des hommes furent sacrifiés, des femmes aussi... dans d'horribles conditions... Mais rien de vraiment certain ne put apparaître...
On voyait le Landgrave admonester ses hommes pour les maintenir sur la brèche...
Samson, son fidèle lieutenant, quant à lui, multipliait les actions pour établir un fil avec la sainte vérité qui allègerait bien des poids!!!
Ses hommes avaient beau maugréer...il les poussait...
Mais rien ne se passait!!!
Dieu semblait rester sourd aux prières que lançait l'abbaye pour retrouver les meurtriers de son maître ... Sous l'égide du Frère Prieur qui avait provisoirement pris les rênes du troupeau on chantait cantique sur cantique...
Un jour pourtant... sortant du brouillard de l'automne... on vit apparaître, monté sur un lourd destrier et accompagné d'un serviteur qui lui servait d'écuyer, un chevalier de l'ordre Teutonique...
Il s'arrêta devant les imposantes murailles du château de Lagendreer hérissé de tours et de donjons impeccablement fortifiés...
Il admira l'énorme construction qui indiquait le pouvoir du Burgrave toujours porteur de ce surcot sombre qui avait assisté à la fameuse réunion avec l'évêque d'Essen...
-"Teufel !!!" lança un des hommes de garde du chemin de ronde...Voilà un drôle de visiteur"...
Lui qui n'avait jamais vu d'homme, ainsi vêtu, d'une broigne surmontée d'un haubert avec les insignes propres à cet ordre prestigieux qui venait des croisades, paraissait subjugué...
Le jeune homme au visage émacié et fier, regarda son compagnon et annonça d'une manière laconique:
"Il ne nous reste plus qu'à savoir comment va se comporter le seigneur de ce château pour nous accorder son hospitalité... "
(A suivre...)
