Depuis trop longtemps sur cette terre,
Harmonieuse et maternelle sphère,
Ronde et féconde planète bleue
Que les hommes transforment en terrain de jeux,
L'état d'être que bien peu partage
Est la sagesse, ce magnifique rivage,
Cette plage déserte où très peu échouent,
Préférant s'agiter dans la fange et la boue.
Fallait-il à l'Homme faire tout ce chemin
Pour se voir aujourd'hui si peu humain ?
Fallait-il parcourir toute cette évolution,
Du primate au roi de la création,
Pour hériter d'un esprit où la cécité
Le dispute souvent à la surdité ?
Fallait-il mettre à contribution
Savants, chercheurs avides de solutions,
Qui begaient ou reste muet
Face aux cris de celui qui de tout est dénué ?
Fallait-il s'inventer des religions,
Ériger des dogmes et autres obligations
Pour cacher à l'Homme bien des vérités,
Et le maintenir sous un joug immérité ?
Fallait-il des règlements, des lois,
Des juges, des gouvernants et des rois
Pour permettre autant de misère,
Et laisser l'enfant périr dans les bras de sa mère ?
Fallait-il installer d'arbitraires frontières,
Limites invisibles, impalpable matière,
Abris pour les uns, pour d'autres ghettos,
Incendies à venir qui couvent sous les drapeaux ?
Fallait-il engendrer tant de puissance,
D'énergie destructrice, de violence,
Ajouter de la peur à la peur,
Imaginer ainsi se protéger du malheur ?
Fallait-il à l'or élever un temple,
Le donner à tous comme étalon, comme exemple,
Rendre l'Homme adorateur de ce faux dieu,
Et en son nom commettre des actes odieux ?
Fallait-il sans retenue violer la nature,
S'étonner des monstres, fruits de cette forfaiture ?
Dans ce monde qui va à vau l'eau,
Dans ce monde où se perd le sens du beau,
Dans ce monde où paraître
Est plus important que l'être,
Dans ce monde pourtant s'élèvent des voix,
Fortes, populaires et aimées je crois.
Des voix par tous entendues,
Pas par tous, hélas ! écoutées et retenues.
Il y a d'abord celle de l'abbé,
Durant un demi-siècle sur sa tache courbé.
Tour à tour grondant, pestant, priant,
Montrant du doigt ce mal récurent,
Ces plaies que l'hiver ravive
Comme une épidémie sans cesse active,
Que nul vaccin n'est venu guérir.
Les sans logis continuent à souffrir.
L'abbé inlassablement alarme et sermonne,
Son cri est amour bien plus qu'aumône.
Cette voix nous l'entendrons encor'
A chaque vision du pauvre couché dehors.
Il y a aussi cette voix gouailleuse
De ce clown, figure impertinente et railleuse,
Disparue aujourd'hui, laissant orphelins
Tous ceux à qui il avait tendu la main.
Ses cris étaient révolte, indignation,
Ses mots pour le dire touchaient la nation,
Ses élus un jour sur l'affaire légifèrent.
La faim, drame quotidien du pauvre hère,
Ne cesse pourtant de s'étendre,
Et ce cri toujours se fait entendre,
Il reste en écho, ses chansons,
Ses paroles comme autant de leçon,
Mais surtout, pour apaiser les peurs,
Des lieux appelés resto du cœur.
Autre voix plus sereine et calme
Couverte de lauriers et de palmes,
Proclame pour l'enfant son droit divin :
Un cœur, un esprit et un corps sain.
Cette étoile d'une lumineuse clarté,
Expose une âme d'une grande charité
Pour qui la valeur de la vie,
La joie d'un enfant qui sourit,
A un prix qu'ici bas on nomme amour.
C'est ce prix là qu'il réclame toujours.
Cette voix, sans haine, d'une grande patience
Parle au cœur, met son espoir dans la science,
Ouvrière éclairée pour achever son ouvrage
Tant attendu de ces enfants courage.
Bien d'autres voix, bien d'autres cris
Ont émergés de ce flot sombre et gris.
Je me souviens de ce marin et sa Calypso,
Avant qu'elle ne devienne un vieux rafiot,
Parcourant sous toutes latitudes mers et océans,
Sans oublier tous les continents.
Commandant ! Commandant ! Vos images et votre voix
Témoignent de votre grande foi.
Ils ont fait naitre bien des vocations
Pour sauver l'héritage des futures générations.
A présent, chaque jour plus nombreux,
Des hommes se lèvent enfin, et leurs yeux
Voient ce gouffre qui nous attend,
Vers lequel nous entraînent des puissants.
Dans un sursaut, un réveil salvateur,
Ils cherchent obstinément de vraies valeurs.
Vient le temps de l'esprit retrouvé,
L'Homme las de tant d'erreurs éprouvées,
Tant de choix aux tristes conséquences,
Tant d'actes dus à de trompeuses éloquences,
Délaisse l'ombre dans laquelle il était plongé,
Se dresse foule sans nombre, aux cris prolongés,
Foule multiple à la volonté affirmée
D'abattre ces murs, d'ouvrir ces portes fermées,
Pour donner à tous des couleurs d'humanité,
Redonner à l'Homme son droit à la dignité.
Ruben
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Pendant que l'on attend de vivre, la vie passe.
SÉNÈQUE.Ruben
