Hiroshima*
L’air, dès le matin, lui brûlait la peau,
Il prit une théière pour y mettre de l’eau,
Ainsi qu’une bouteille, qu’il avait empruntée,
Il voulait seulement abreuver les blessés.
Il avait entendu qu’il y avait de l’eau,
Venant d’un robinet qui fonctionnait encore,
Il se trouvait tout près du parc d’Asano.
Le moindre de ses gestes exigeait un effort.
Et quand il traversa le jardin de rocaille,
Il rampa sous les troncs des pinèdes, abattus.
Il craignait que son cœur, tout à coup, ne défaille,
Ses jambes étaient si faibles, qu’elles ne le portaient plus.
Des cadavres gisaient, partout, dans les jardins,
Aux abords du joli pont ‘croissant de lune ‘,
Une femme, vivante, sur elle n’avait rien,
Les cheveux, les parures, la bombe les consume !
Sur tout son corps, une peau rubiconde.
Dans le parc, se tenait un médecin de l’armée,
Il ne pouvait soigner les brûlures profondes,
Et la teinture d’iode était sa panacée,
Ce qu’il badigeonnait était couvert de pus.
À la sortie du parc, il vit un robinet,
Plomberie d’une demeure disparue.
Et il remplit des récipients entiers,
Puis il prit le chemin du retour.
Quand il eut fait boire les blessés,
Il se lança dans un nouveau parcours :
La femme près du pont avait expiré.
Et lorsqu’il repartit chercher de l’eau,
Il s’égara en contournant un arbre abattu.
Dans le sous bois, il vit un homme à son niveau,
D’un uniforme il était revêtu,
« Avez-vous quelque chose à boire ? »
Le croyant seul, il s’avança pour lui donner de l’eau,
Derrière les buissons d’autres qui voulaient boire,
Il en dénombra vingt, qui sortirent de l’ombre,
Leurs yeux avaient fondu et coulaient sur les joues :
Il s regardaient le ciel quand explosa la bombe,
Avaient-ils vu l’éclair blanc , l’illumination ?
Appartenaient-ils à la Défense Contre Avion ?
Leurs lèvres gonflées n’étaient que pus,
Le bec de la théière échouait sur les mentons,
Il cueillit une paille dans l’herbe du gazon,
Et il les fit boire comme il le put.
L’un d’eux fit : « Je n’y vois rien du tout. »
« Nous allons vous trouver un docteur.
Il va bien s’occuper de vous ! »
Depuis ce jour comme il s’en étonnait !
Un simple doigt coupé, lui, qui s’évanouissait.
Son esprit dans le parc était tout engourdi.
Et juste après l’horreur de toutes ces visions,
Il avait rencontré, lorsqu’il longeait l’étang,
Un homme qui, semble-t-il, avait peu de lésions.
Une carpe morte, et de deux pieds, bien grasse,
Montait et descendait, sans cesse, Ã la surface.
Et ils se demandaient si elle serait mangeable,
Ils s’étaient dit que ne serait raisonnable.
Dumnac
*D’après John Hersey, né en Chine à Tutsin. Romancier et correspondant de guerre
De Time Magazine. Auteur de Hiroshima, 1946. Prix Pulitzer pour A bell for Adamo,
1944.