Deux chênes voisinaient en forêt de Chandelais,
On les avait plantés au temps du roi soleil,
Ils étaient là , si hauts, qu’on les apercevait
Dans toute la contrée ; ils étaient sans pareils.
Ils vivaient tous les deux en bonne intelligence,
À un arbre on demande, de rester à sa place,
Ils avaient chaque année plus de circonférence,
Leurs branches s’étalaient, toujours plus, dans l’espace.
Ils ne faisaient de bruit, hormis leurs bruissements,
Mais ils étaient stoïques quand les branches craquaient.
Tout autour de leurs troncs s’amoncelaient les glands,
Qui faisaient le régal des goulus sangliers.
Parfois ils entendaient une détonation,
Une balle filait sans percuter leur bois,
Les chiens et les chasseurs aux étranges clairons ;
Ils ne donnaient pas cher de la biche aux abois.
Quand revenait septembre, les cueilleurs de bolets
Prélevaient, à l’entour, les meilleurs champignons,
Faisant dans les fougères un étrange ballet,
Ils poussaient, tous près d’eux, mêmes exclamations.
Ah ! Si tous ces grands chênes, un jour, pouvaient parler,
Comme ces deux amants étendus sur la mousse,
Heureusement, pour eux nous gardons le secret,
Mais nous les envions, là , sur les feuilles rousses.
Les arbres des forêts conservent une distance,
Ils aimeraient, parfois, que se touchent leurs branches,
Ils ne peuvent rien dire, ils vivent en silence,
Ils ne sculptent deux cœurs sur leur tronc, un dimanche.
Le chêne, solitaire, vit tout au fond des bois,
Et sa très longue vie, il la passe à attendre,
Depuis qu’on le planta au siècle du grand roi,
Trop d’hommes ont dû hisser une corde, pour se pendre
Leurs racines, en secret, frémissent sous les pousses,
Le chêne, comme le prêtre, est voué au célibat,
Pas besoin d’un grand clerc, ou d’un Nostradamus,
Pour prédire que la hache, un jour, les abattra.
Dumnac