Tres de Mayo : un combat.
Tres de Mayo : un combat.
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Je suis mort de la fin, vers la onzième heure,
En écoutant chanter les balles contre mon coeur,
Sous les tilleuls en feu, le vomi de la lune,
Marche sur les tombes sans pitié aucune.
Le froid passe au front et rebouche à la pelle,
Les terrains où les enfants organisent la marelle,
Dans le quartier entier d'un peuple qui hurle,
Les bêtes en soulier ouvrent toutes les cellules.
Avec leurs grandes mains noyées de matricules,
Armées de couteaux à dézinguer des particules,
Ils ont marché sur les jeux de rue sans faire attention,
Envoyant le palet à la tête d'enfants sans précautions.
Voici construit, pour vous, les échafauds d'âge,
Qui grimpent à la vie en brisant les étages,
Je traîne derrière moi un cimetière d'amis,
Qui me suivent comme une véritable épidémie.
Je marche sur les tombes de toute façon malades,
Quand tombent les tissus de sang jusqu'aux façades,
Pour jeter des poignées de pierre de lune,
Dans ce cimetière, seul, au milieu des dunes.
A rouler ainsi dans les égouts,
Me voici né pour devenir fou,
Dans cette foule qui beugle,
A la marche sûre de l'aveugle.
J'ai choisi des livres et des bombes,
Pour marcher au milieu de vos tombes,
Il y a toujours un enfant otage des étoiles,
Quand les bateaux en partance, déploient leurs voiles.
Quand les enfants, fous de marelle,
Se tape la tête à grands coups de pelle,
Que le froid hurle son matricule,
Et que la lune, morte de faim : recule.
Pourvu que tout cela s'arrête, se tue et se brise,
Et que l'oiseau d'or vienne caresser la brise,
A la onzième heure, sous le tilleul en feu,
J'écoute trépasser les souvenirs plus vieux.
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illustration : 3 Mai 1808 de Goya . 1814 .
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