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Ô mont sacré, que je contemple chaque jour,
Toi qui veilles sur nous, dominant le quartier,
Ô fleurs, qui promettez de nouvelles amours
Aux amants que l'orage est venu séparer ;
Ô corbeaux qui d'un vol sublime et régulier
Planez à ma hauteur, à la cime des arbres,
Ô fontaine sacrée, cachée dans un hallier,
Où comme un ægipan je vais tremper ma barbe ;
Petits sentiers de mon enfance, petits bois,
Endroits cachés et coins secrets ; vaste prairie
Où roulait le ballon, suivant ses propres lois,
Où deux équipes s'affrontaient, sans tricherie ;
Petit jardin où ma mère pendait le linge,
Levant ses jolis bras pour atteindre le fil,
Et mon père, plus loin, jouant de la syringe,
Tirant de l'instrument des arpèges subtils.
Ces choses du passé, ces merveilles présentes,
Hélas ! à cause d'un rapport défavorable,
Ces lieux bénis qui me ravissent, qui m'enchantent,
On veut m'en déloger,– des gens impitoyables !
La maison est trop grande pour moi, disent-ils.
Ma mère n'est plus là pour occuper sa chambre.
De la fleur venez donc arracher le pistil :
M'enlever tout cela, c'est me couper un membre !
Ô mont sacré, toi qui te dresses devant nous,
Ne peux-tu empêcher une chose pareille ?
Ô Juge, devant qui je me mets à genoux,
N'arrachez pas mon coeur à toutes ces merveilles !
Je ne peux vivre sans ce mont majestueux,
Sans ces chevreuils et ces oiseaux, qui me connaissent ;
Hélas ! je ne puis vivre en dehors de ces lieux
Où j'aperçois parfois une belle faunesse.
Je m'engage à payer la chambre inoccupée :
Chaque mois, cent-cinquante euros sur votre compte ;
Devant vous ma personne apparaîtra courbée
Et je vous céderai ma gourmette et ma montre.
Le petit bois et la fontaine sont à vous :
Vous couperez les arbres, vous aurez des bûches,
Et vous aurez de l'eau. Tout cela vaut des sous,
Réfléchissez, c'est de l'argent dans votre poche.
Et si vous vous plaisez quelquefois à chasser,
Vous pourrez sur le mont poursuivre votre proie.
– Je sens mon coeur se tordre et mon sang se glacer :
Après ces traîtres mots, qu'un éclair me foudroie !
Plutôt prendre sur moi le canon du fusil
Que de vous voir tuer une bête sacrée.
Qu'ai-je donc dit, Seigneur ? Ma pensée s'obscurcit ;
Anges du ciel, baisez ma tête torturée !
Quelqu'un veut m'arracher à ces lieux idylliques
Que la terre a créés pour faire mon bonheur,
À ce mont vénérable, à ces bois magnifiques
Auxquels sont attachés et mon âme et mon coeur.
Lancez la procédure, envoyez un huissier,
Saisissez le ménage et les meubles en chêne.
Quand vous pénétrerez dans le calme hallier,
Vous trouverez mon corps au pied de la fontaine.
Remarque (lecture facultative, pour ceux qui veulent en savoir plus)
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Il s'agit d'une situation réelle.
>> Résiliation du bail un mois et demi après le décès de ma mère
+ une demande d'expulsion introduite auprès du Juge de Paix, suite à mon refus de quitter les lieux.
Un grand merci à la Société de Logements du ******, qui m'a fait vivre un enfer après le décès de ma mère.
Je me suis retrouvé en Cellule de Prévention du Suicide, suite au résultat d'une expertise psychologique. J'étais effondré.
Les responsables comparaîtront bientôt devant le Juge, au mois de mai.
Ils étaient en possession des pièces destinées à me maintenir dans la maison, et ils n'ont pas pris les mesures nécessaires ; loin de là : c'est tout le contraire qui s'est passé !
Une employée s'était mise en tête d'installer d'autres personnes dans la maison, et elle a convaincu tout le service locataires et son directeur d'agir en ce sens. Je n'ai rien pu faire, si ce n'est faire appel aux services d'un avocat, bien entendu.
Je remercie la muse de la poésie, qui me permet d'exprimer l'attachement que j'éprouve à l'égard de ces lieux merveilleux, d'une part, et la cruauté de la situation, d'autre part.
J'espère ne pas finir au pied de cette fontaine, entouré de deux chevreuils, triste tableau...
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Je vous invite à découvrir mes poèmes, empreints de délicatesse, de romantisme, de spiritualité, etc. (Prononciation classique : i-on ; i-eux ; i-eur ; i-a ; i-an ; etc.)