Plume de soie Inscrit le: 6/2/2014 De: orleans Envois: 61 |
Le vieil homme sur le banc. Sophie.
Je mâappelle Sophie et jâai 8 ans. Je suis plutĂŽt grande pour mon Ăąge. Mince jâai de trĂšs beaux cheveux blonds qui me descendent sur les Ă©paules, ma peau est blanche et je fais attention au soleil qui me donne des plaques rouges.
Maman me dit toujours que jâai la peau fragile et que je ne dois pas mâexposer au soleil. Je porte donc un chapeau de paille avec un grand ruban rouge, que je trouve assez joli et qui surtout me protĂšge. Au dĂ©but je mâĂ©tais un peu rĂ©voltĂ© surtout quand je voyais Marie.
Marie câest ma copine et elle a 9 ans, elle est aussi brune que je suis blonde avec la peau trĂšs mate et nâa aucun mal Ă bronzer. Enfin jâen ai pris mon parti, on est comme on est dit toujours Maman et câest vrai que jâai fini par accepter lâĂ©tat de ma peau.
Dâailleurs ce nâest pas toujours une catastrophe dâavoir la peau blanche et fragile, câest ce que me dit Tonio mon amour prĂ©fĂ©rĂ©.
Tonio, câest un Portugais qui vit depuis quelque temps dans le village, son pĂšre est maçon et travail Ă son compte. Il retape des maisons dans les environs. Tonio lui aussi est brun mais il est un peu vieux, il a dĂ©jĂ 14 ans et pendant les vacances il aide son pĂšre sur les chantiers.
Je le vois donc peu souvent Ă part le soir et encore trĂšs peu de temps, mais je lâaime. Je lâaime et je vois bien quâil mâaime aussi, dâailleurs il me le dit et câest si bon de le croire. Jâai tant besoin de le croire et je me vois trĂšs bien femme de maçon, plus tard bien sur.
Nous avons le temps dây penser, câest ce que dit Tonio, et dâailleurs quand il me dit ça, jâai le cĆur qui se met Ă battre plus vite dans ma poitrine. Ca câest une preuve que je lâaime. Mais je crois quand mĂȘme quâil ne mâaime pas autant que moi je lâaime et quâil me fait un peu marcher.
Mais avec le temps tout sâarrange toujours. Peut-ĂȘtre nâest ce pas lui. mon prince charmant, peut-ĂȘtre que je dois attendre encore quelques annĂ©es avant de le rencontrer, pourtant au fond de moi je voudrai bien que ce soit lui. Il est si beau mon Tonio mĂȘme Marie est jalouse et bien quâelle soit ma meilleure amie,
je ne la laisse pas trop sâapprocher de Tonio. Quand nous sommes tous les trois je la surveille ! Je suis bien obligĂ©, câest plus fort que moi, je ne partage pas. Tonio il est Ă moi pour lâinstant du moins et jâespĂšre pour longtemps. Se soir lĂ jâavais rendez-vous avec Tonio, ont avaient dĂ©cidĂ© dâaller faire un tour Ă lâĂ©tang.
Comme je passai devant chez lui je vis que la camionnette de son pĂšre nâĂ©tait pas lĂ , donc Tonio nâĂ©tait pas revenu du chantier. Il Ă©tait en retard, il mâavait pourtant dit quâil serait lĂ Ă 18 heures et il Ă©tait dĂ©jĂ 18h10. Jâai horreur dâattendre et dâailleurs je ne suis pas trĂšs patiente. Je nâallais quand mĂȘme pas lâattendre, plantĂ© lĂ
devant chez lui en me balançant dâun pied sur lâautre. En un instant ma dĂ©cision fĂ»t prise, jâallais aller jusquâĂ lâĂ©tang, Tonio mây rejoindrait. Je passai donc devant lâĂ©glise et la mairie, la grande place Ă©tait vide. Je tournai Ă gauche lĂ oĂč il y avait un panneau indiquant Ă©tang communal. De lĂ il me restait 200 mĂštres Ă faire et
jâarrivai Ă lâĂ©tang, il nâĂ©tait pas trĂšs grand, en marchant doucement on en faisait le tour en un quart dâheure. A gauche il y avait mon village, tout droit des champs et Ă droite un petit bois que lâon appelait le bois des amoureux.
Autour de lâĂ©tang il y avait trois tables de pique-nique, câest lĂ que je venais de temps en temps faire un petit goĂ»tĂ© avec Marie et Tonio et quelques fois avec mĂ©mĂ© Germaine. PrĂšs du bois il y avait aussi deux bancs. Je regardai ma montre, 18h20, toujours pas de Tonio, lĂ il exagĂ©rait
. MĂ©chante me disais-je en moi-mĂȘme ce nâĂ©tait pas de sa faute, mais celle de son pĂšre qui avait dut prendre du retard sur son chantier ou qui nâavait pas vu le temps passer. Pourtant le village oĂč se situait le chantier nâĂ©tait quâĂ une petite demi-heure dâici en voiture, enfin rien ne servait de sâĂ©nerver,
il allait bien arriver. Le problĂšme câĂ©tait que maman mâavait dit de rentrer avant 19h30, cela nâallait va pas me faire rester longtemps avec mon Tonio. Tant pis je reviendrai en courant et jâarriverai un peu en retard, 5 Ă 10 minutes, pas plus car sinon papa allait rouspĂ©ter.
Quand il grondait alors je nâavais pas intĂ©rĂȘts Ă rĂ©pliquer ! Sinon il Ă©tait capable de me punir et de mâinterdire de sortir. Heureusement ( câest mĂ©chant ce que je dis lĂ ), heureusement papa nâĂ©tait pas souvent lĂ . Il Ă©tait Ă©lectricien et travaillait Ă la ville, il fait beaucoup de dĂ©placements, et souvent il ne rentre pas de la semaine.
Ne croyez surtout pas que je nâaime pas mon papa, mais quand il est lĂ , maman nâest plus la mĂȘme. CâĂ©tait normal mâavait dit Tonio il fallait bien quâils se retrouvent aprĂšs son absence. CâĂ©tait vrai ce quâil me disait mon Tonio. Mais jâĂ©tais un peu jalouse et puis quand papa nâĂ©tait pas lĂ , maman me cĂ©dait beaucoup de
choses, alors jâen profitai un maximum. 18h30, alors lĂ il pousse vraiment, et sâil mâattendait ailleurs ? Ce serait le bouquet. Mais non ce nâest pas possible nous devions nous retrouver Ă lâĂ©tang. Je marchai le plus doucement possible au bord de lâeau en me dirigeant vers le bois et câest alors que je le vis. JâĂ©tais Ă©tonnĂ© et je
fronçai les sourcils. Pas de voiture sur le petit parking, qui Ă©tait-il cet homme? Il Ă©tait venu Ă pied et dâoĂč? Pas de vĂ©lo rien ! Il nâĂ©tait pas du village, je ne lâavais jamais vu, il ne semblait pas trĂšs jeune, il avait des cheveux blancs et une grande barbe blanche. Je mâapprochai
mĂ©fiante malgrĂ© tout. Maman me disait toujours de ne pas parler Ă des inconnus. JâĂ©tais encore loin de lui, je mâapprochai doucement et plus je mâapprochai et plus je constatai quâil Ă©tait vieux. Ses cheveux, sa barbe Ă©tait longs et trĂšs blancs, je nâavais jamais vu une barbe comme ça, on nâaurait dit la barbe
du PĂšre NoĂ«l qui passe le 23 DĂ©cembre. Oui chez nous il passe le 23, dans une grande voiture dĂ©capotable et il nous lance des bonbons. Le PĂšre NoĂ«l, qui va de village en village apportant le bonheur aux enfants sages et aux autres aussi dâailleurs. Je disais donc que chez nous il passait le 23 car il ne pouvait pas ĂȘtre partout Ă la fois le mĂȘme jour, enfin je dis cela pour ceux qui y croient encore !
<< Petite >>.
Sa voix Ă©tait douce, un peu lointaine, pourtant je nâĂ©tais pas trĂšs loin de lui maintenant, que voulait-il ! MĂ©fie-toi des Ă©trangers me disait maman, celui lĂ ne devait pas ĂȘtre bien mĂ©chant avec son grand Ăąge. Je mâapprochai de lui Ă deux mĂštres (environ).
- Tu nâaurais pas lâheure me dit-il.
Je regardai ma montre, 18h45, cette fois Tonio poussai vraiment.
Tonio
La camionnette sâarrĂȘta devant la maison, Tonio en sauta en disant Ă son PĂšre.
<< A tout Ă lâheure >>
Il regarda autour de lui pas de Sophie en vu, elle devait ĂȘtre en colĂšre. Il jeta un coup dâĆil sur une sa montre en espĂ©rant sâĂȘtre trompĂ©, mais non il Ă©tait bien 19 heures. Elle allait ĂȘtre en colĂšre la Sophie, enfin ce nâĂ©tait pas de sa faute Ă lui. Tout en se parlant, il sâĂ©tait mit Ă marcher en direction de lâĂ©tang. Il allait de plus en plus vite, mais surtout il ne fallait pas courir, il nâallait quand mĂȘme pas arriver essoufflĂ©, elle serait trop contente et elle se moquerait de lui. Tout Ă©tait la faute du client chez lequel son pĂšre travaillait actuellement. Au moment de partir, il avait invitĂ© son pĂšre Ă boire un petit coup. JosĂ© le pĂšre de Tonio ne pouvait pas rĂ©sister à ça et il avait bu deux Pastis pendant que lui buvait un Coca en regardant sa montre. Cela avait traĂźnĂ© le client Ă©tait content des travaux. Son pĂšre Ă©tait content que son client soit content... Et moi je regardai ma montre de plus en plus souvent, mon pĂšre sâen aperçu et dit en riant.
- Ne tâinquiĂšte pas Tonio elle tâattendra.
Je me sentis rougir et ne rĂ©pondis pas. La conversation sâengagea sur les jeunes qui nâavaient plus le respect de rien. Quâils Ă©taient bien plus dĂ©gourdis quâavant et bla, bla, bla, bla... Enfin ils se serrĂšrent la main en se disant Ă demain, je ne tenais plus en place. Tout en revivant la situation passĂ©e, jâarrivais Ă lâĂ©tang. Tout dâabord je ne distinguais rien. Au bout dâun moment je vis Sophie mais elle nâĂ©tait pas seule, je me mis malgrĂ© moi Ă courir et plus jâapprochai, plus je voyais Ă qui elle parlait. CâĂ©tait un vieil homme Ă la barbe et aux cheveux tout blancs. JâarrĂȘtai de courir et arrivai prĂšs dâeux dignement.
- Voilà mon ami Tonio dit Sophie en souriant, je te présente Joseph.
- Bonjour dis-je timidement.
- Bonjour me dit Joseph en me tendant sa main.
Sa voix Ă©tait douce mais lointaine, sa main Ă©tait froide.
- Tu arrives Ă point dit-il, la petite Sophie commençait Ă sâimpatienter.
- Que faisais-tu Tonio, tu es trĂšs en retard.
- Câest la faute de mon pĂšre, dis-je en rougissant.
Sophie est vraiment une peste me dis-je en moi-mĂȘme, que faisait-elle avec ce vieil homme que je ne connaissais pas.
- Viens Sophie dis-je dâune voix mal assurĂ©e.
- Oui on y va, au revoir, monsieur Ă une prochaine fois peut-ĂȘtre.
- Au revoir les enfants.
Je prenais la main de Sophie et doucement nous repartions vers le village.
- CâĂ©tait qui demandais-je ?
- Joseph.
- Mais câest qui Joseph ?
- Je ne sais pas, il ne parle pas beaucoup.
- Tu causes Ă quelquâun que tu ne connais pas
- Et alors, tu es jaloux.
- Jaloux moi, jaloux de qui, dâun vieux!
- Tonio.
- Je rougis, je me tus, jâavais tort et je le savais. Nous arrivions sur la place de lâĂ©glise. Je prenais mon courage Ă deux mains, je saisissais la main de Sophie, la mettant dans la mienne. Elle ne la retira pas, elle nâĂ©tait plus fĂąchĂ©e et me souriait. Nous arrivions devant chez elle.
Elle mâembrassa sur les deux joues, me dit en pointant un doigt vers moi.
- A demain Tonio, cette fois ne me fais pas attendre, tache dâĂȘtre Ă lâheure.
- Je te le promets.
Je faisais demi-tour, il Ă©tait 8 heures moins 20, jâavais encore un peu de temps. Je retournai Ă lâĂ©tang, peut-ĂȘtre que Joseph si trouvait encore. Je vis Joseph sur le banc, il ne mâavait pas vu, il semblait parler Ă quelquâun, mais il nây avait personne. Il cause tout seul, pensais-je. Mais en regardant de plus prĂšs il me sembla quâil parlait Ă un oiseau, Ă un pigeon plus exactement. Je me souvins dâune phrase que ma mĂšre disait souvent.
â Les gens ĂągĂ©s ont beaucoup de sagesse, câest par eux que lâon apprend la vie â
Je fis demi-tour, il Ă©tait lâheure de souper. Le souper, câĂ©tait sacrĂ©. Nous Ă©tions rĂ©unis tous les trois et tout en mangeant nous discutions de ce qui s'Ă©tait passĂ© dans la journĂ©e. Ensuite papa allumait la tĂ©lĂ© et allait sâasseoir sur son fauteuil. Moi jâaidai maman Ă dĂ©barrasser la table puis jâessuyai la vaisselle.
Ce soir lĂ , je nâĂ©tais pas vraiment Ă ce que je faisais, je cassai une assiette. Qui Ă©tait donc Joseph, dâoĂč venait-il? Il nâĂ©tait pas des environs, je ne lâavais jamais vu par ici avant ce soir. Il me paraissait trĂšs vieux, plus vieux que Germaine, la grand-mĂšre de Sophie. Germaine câĂ©tait pourtant la plus vieille des environs.
- Maman je peux ressortir faire un tour?
- A cette heure répondit-elle étonnée, Sophie ne doit pas sortir maintenant.
- Non pas avec Sophie, jâai envi dâĂȘtre seul et de prendre lâair
- Tu nâes pas malade au moins?
- Mais non-maman, jâai simplement envi de sortir.
Jâentendis la voix de mon pĂšre qui disait.
- Ne rentre pas aprĂšs 10 heures surtout.
Je partis en courant. Le soleil commençait Ă descendre. Jâarrivai Ă lâĂ©tang, mais ne vis plus personne. Je marchai jusquâau banc, pas une trace, ont aurait pu croire que personne ne s'Ă©tait assit ici.
Je pensai que tout cela Ă©tait bien naturel, des gens passaient et sâen allaient. Par curiositĂ© je fis le tour du bois qui nâĂ©tait dâailleurs pas bien grand. Un bruit me fit sursauter, câĂ©tait un pigeon qui sâenvolait, peut ĂȘtre celui avec qui Joseph parlait tout Ă lâheure. Je pensai Ă mĂ©mĂ© Germaine, elle aussi parlait aux oiseaux quand elle leur donnait Ă manger. Les oiseaux avaient confiance en elle et lâĂ©coutaient. Mais mĂ©mĂ© Germaine ce nâĂ©tait pas pareil. Tout le monde la connaissait, Joseph lui personne ne le connaissait, câĂ©tait un Ă©tranger, il nâĂ©tait pas dâici. Il parlait au pigeon pour mieux lâamadouer afin quâil finisse Ă la casserole, câest bon du pigeon. Je fis demi-tour et rentrai Ă la maison en me disant que cette nuit je rĂȘverai certainement de Joseph. Je fus aussi Ă©tonnĂ© de ne plus avoir pensĂ©, mĂȘme quâune seule fois Ă Sophie depuis que je lâavais raccompagnĂ© chez elle. Peut ĂȘtre ne lâaimais-je pas si fort que ça ! Je rĂȘvai de temps en temps dâelle, mais Ă©tait-ce ça lâamour. VoilĂ que jâavais des doutes, et tout cela par la faute de ce vieux qui Ă©tait entrĂ© par effraction dans ma vie. Peut-ĂȘtre mĂȘme pour me sĂ©parer de Sophie.
Tonio éteignit la lumiÚre, il pensait passer une mauvaise nuit, mais cinq minutes aprÚs il dormait profondément. Pensait-il à Sophie en tout cas certainement pas à Joseph.
Mémé Germaine
Je mâĂ©veille, jâai dormis comme un bĂ©bĂ©. Il y avait bien longtemps que je nâavais dormis comme ça. Jâai la bouche pĂąteuse, serais-je malade ? Je vais appeler maman, elle fera venir le docteur.
Le docteur, je ne lâavais vu quâune seule fois. CâĂ©tait quand jâavais fais une bronchite, il est vrai quâavant on ne faisait pas venir le docteur pour un rien, pas comme maintenant, il ne venait que quand câĂ©tait grave.
Comme maintenant ! Quoi comme maintenant ! Et puis dâabord oĂč est-ce que je suis ? Je ne suis pas chez papa et maman. Je ne suis pas chez moi ! Mais oui, je me souviens, je suis chez Nicole et Maurice. Chez ma fille et mon gendre.
Mais je radote oĂč quoi dâavoir cru ĂȘtre chez moi ou est-ce que je perds la tĂȘte !
Et en plus il fait jour dans la chambre, je regarde lâheure au gros rĂ©veil posĂ© sur la table de nuit. Midi et dix minutes. Je nâen reviens pas, moi qui me lĂšve toujours vers sept heures du matin, je dois vraiment ĂȘtre malade.
Je dois me lever. Je dois, mais je ne peux pas. Je nâarrive mĂȘme pas Ă mâasseoir dans le lit. Je nâai plus de force, que mâarrive t-il !
Soudain jâai peur, je vais mourir.
A mon Ăąge, câest quelque chose de normal de mourir, quand on est vieux, câest normal de mourir. On a presque plus peur de la mort, moins dâangoisse de partir, il suffit de lâaccepter et tout devient alors plus facile, câest la sagesse.
Mais je radote, je nâai pas envie de mourir, je ne veux pas mourir et puis dâailleurs on ne meurt pas quand on est une enfant.
Papa, maman sont lĂ pour me protĂ©ger. Papa doit-ĂȘtre aux champs, il ne va pas tarder Ă rentrer, quant Ă maman, elle est
sĂ»rement dans la cuisine entrain de prĂ©parer le repas, si je lâappelle, elle va venir et tout rentrera dans lâordre. je vais lâappeler.
Jâessaye, mais aucun son ne sort de ma bouche, est-ce que je ne peux plus parler ou bien suis-je devenue sourde. Mais non je ne suis pas sourde puisque jâentends le tic-tac du rĂ©veil. Alors que ce passe-t-il ? Je dois appeler maman et quâelle fasse venir le docteur, je me sens vraiment malade.
Je suis épuisée.
Je me rendors. Quand je me rĂ©veille, je suis en nage, toute mouillĂ©e. Mon Dieu est-ce que jâaurais fais sous moi.
Je passe une main sous les draps. Il nây a plus aucun doute possible, jâai bien fais pipi au lit. Maman va me gronder, pourtant cela fait longtemps que cela ne mâĂ©tait pas arrivĂ©.
Mais oĂč suis-je ? Je ne reconnais pas ma chambre.
Mais oĂč es-je la tĂȘte, je suis chez ma fille.
Je suis chez ma fille et jâai pissĂ© au lit, mais est-ce que je suis malade ou bien je perds la tĂȘte !
Oui bien sur je suis chez Nicole, dâailleurs pendant que je dormais, sĂ»rement Ă moitiĂ©, jâai bien crĂ» la voire sur le pas de la porte avec Sophie, ma petite fille.
Ma Sophie, comme je lâaime celle lĂ , autant quâYvette ma sĆur.
Sophie ressemble Ă Yvette, mais Yvette est morte quand jâavais quatre ans, elle nâen avait que six, je mâen souviens trĂšs bien. Elle est morte dâune sale maladie. Je tremble, câest vrai, je nây pensais plus, alors on peut donc mourir en Ă©tant enfants !
Mes mains se mettent Ă chiffonner les draps dans tous les sens, puis elles sâarrĂȘtent dâelles mĂȘmes, sans que jâai besoin de leurs commander dâarrĂȘter.
Je suis chez Nicole et hier jâai vu Joseph.
Joseph, je me rappelle maintenant. La premiĂšre fois que je lâai vu câĂ©tait juste avant quâYvette meure.
Qui est donc ce joseph ? Pourquoi lâai je revu !
Je ne peux toujours pas bouger, je dois pourtant me lever, me laver.
Un mot me revient Ă lâesprit.
Partir.
Partir, câest ce que jâai voulus faire hier, je voulais aller chez moi, retrouver maman et papa, Nicole ne voulait pas.
Je dois me lever et partir et personne ne pourra me retenir de force.
Je vais appeler Sophie, elle pourra mâaider. Mais non câest impossible Sophie est morte. Dieu du ciel, je deviens folle ce nâest pas Sophie qui est morte câest Yvette.
OĂč es-je bien pus voir Joseph hier ! Cela me revient câĂ©tait Ă lâĂ©tang, hier matin. Il mâa dit.
â Tu me reconnais, je viens te chercher, lâheure approche â
â Vieux fou â es-je rĂ©pondu sans comprendre et je me suis Ă courir vers la maison. Nicole mâa cherchĂ© et a finit par me retrouver et comme jâĂ©tais Ă©puisĂ©e, elle mâa mise au lit pour que je me repose. VoilĂ , tout est clair en moi maintenant. Je ne suis pas folle quand mĂȘme. Il faut absolument que jâappelle Nicole, quâelle mâaide Ă me lever et Ă me laver. Je ne pourrai jamais y arriver seule. Il faut que je lui dise que jâai fais pipi au lit, elle va me gronder, mais pas trop fort, cela ne mâarrive jamais.
Je rassemble toutes les forces qui me restent et je crie.
â Maman â
Joseph
Mémé Germaine est morte cette nuit.
Je suis triste, elle a demandĂ© Ă me voir avant de mourir et mâa dit.
â Il faut que tu retournes Ă lâĂ©tang tout de suite, voir si Joseph est encore lĂ et venir me le dire â
Je ne croyais pas encore quâelle allait mourir, pourtant je ressentais comme une menace qui pesait sur elle.
Jâai donc couru Ă lâĂ©tang. Joseph Ă©tait assis sur son banc, quand il mâa vu, il câest levĂ© et est venu au devant de moi, dâun pas lent et mal assurĂ©.
â Inutile de courir Sophie mâa t-il dit, rien ne presse !
- Câest mĂ©mĂ© Germaine qui mâenvoie.
Je sais a-t-il dit de sa voix douce, ta mĂ©mĂ© va partir vers un autre endroit, son passage sur la terre sâarrĂȘte lĂ , ne pleure pas Sophie, ce ne doit pas ĂȘtre triste pour toi, moi je te dis que ta mĂ©mĂ© va
aller dans un endroit oĂč elle sera heureuse, oĂč elle pourra vivre paisiblement. Loin de la folie de ce monde. Et puis il ne faut pas ĂȘtre triste un jour tu la retrouveras, mais rassures-toi, ce sera dans trĂšs longtemps, tu vivras trĂšs vieille et tu seras toujours en bonne santĂ©.
Ta vie Sophie sera belle et agrĂ©able parce que tu as le cĆur pur, il te faut rester ainsi et tout se passera bien pour toi. Ne vis pas dans la haine ni dans le doute et tu pourras sans aucun problĂšme vivre ta vie intensĂ©ment. Efface de ton cĆur toutes rancunes.
Ne vis que dans la bontĂ©, et souviens-toi toujours de ce que je te dis aujourdâhui. Dans des dizaines dâannĂ©es je viendrai te chercher et Ă ton tour, il faudra que tu franchisses le passage, mais je ne me fais aucun soucis pour toi. Je sais dĂ©jĂ que tu
mĂšneras une vie droite, une vie pleine de lumiĂšre et de joie, que tu seras tournĂ© vers les autres et que tu leur apporteras toute la bontĂ© qui est en toi. VoilĂ ma petite Sophie ce que jâavais Ă te dire, retourne vite auprĂšs de ta grand-mĂšre, restes Ă cotĂ© dâelle, prend lui la main et aide lĂ Ă franchir lâultime instant.
Je te sais capable de le faire, non ne dit rien, ne pose aucune question, lâheure pour moi est venu dâaller ailleurs. Adieu petite et souviens-toi de ce que je tâai dis.
Je nâai rien dis, je suis partie en courant jusquâĂ la maison, je ne pleurai pas. Jâai retrouvĂ© mĂ©mĂ© Germaine et je lui ai pris la main comme Joseph me lâavait demandĂ©.
Quand mĂ©mĂ© est morte, elle mâa sourie.
A lâenterrement de mĂ©mĂ© Germaine tout le village Ă©tait lĂ . Quand les gens des pompes funĂšbres descendirent le cercueil dans la fosse, lĂ oĂč reposait depuis longtemps mon grand-pĂšre, un pigeon est passĂ© au ras. Il Ă fait un instant du sur place puis Ă poursuivi sa route et Ă disparut Ă tout jamais.
â Joseph â ai-je murmurĂ©.
La vie a continuĂ©, bien sur je nâai pas Ă©pousĂ© Tonio, mais un autre homme qui mâa apportĂ© le bonheur et deux beaux enfants.
Jâai toute ma vie essayĂ©e de respecter au maximum ce que mâavait dit Joseph. Je pense y ĂȘtre parvenue, bien que cela ne fut pas toujours facile.
Jâai perdu mon mari il nây a pas longtemps, lâhomme que jâaimais tant. GrĂące Ă mes enfants jâai eu de nombreux petits enfants.
Je vais avoir dans quelques jours quatre âvingt-treize ans et je sais dĂ©jĂ que je ne les verrai pas.
Ce matin, un pigeon est venu se poser prĂšs de la barriĂšre du jardin. Il a roucoulĂ© jusquâĂ ce que je lâentende et que je sorte.
Je lâai pris dans mes mains tremblotantes et sa chaleur mâa rĂ©confortĂ©. La vie va me quitter, je ne suis pas triste Joseph mâa fait un signe. Je vais bientĂŽt retrouver ceux que jâaime et qui sont partit vers dâautres lieux ou rĂšgne la paix, la sĂ©rĂ©nitĂ©, la bontĂ©, la lumiĂšre et lâamour.
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