Plume de soie Inscrit le: 12/5/2008 De: Paris Envois: 159 |
les mésavenures du Prince Julot les mésaventures du Prince Julot..
Il était une fois, un beau et très grand château Un Cinq Etoiles, avec pont-levis, fosses et tours. Au sommet, flotte un drapeau aux emblèmes royaux. Roi et Reine vivent ici, dans le parfait amour.  Le couple royal est aujourd’hui très âgé. Leur succession ne devrait pas être un problème, Mais leur fille en est un gros… Princesse Aglaë ! Elle exige un prince charmant, épris d’elle, qui l’aime !  Quarante ans, pucelle, habillée comme un bonbon, Sa bêtise n’a d’égale que sa légendaire laideur. Une coupe de cheveux spéciale « Frisée aux lardons » Des genoux cagneux et des mollets de campeur
Enfermée dans sa chambrette en haut du donjon Elle chante les louanges de son Prince libérateur… Mais sa voix de crécelle fait fuir même les pigeons De l’homme des champs au chevalier, tous en ont peur  La nuit commence à envelopper le château Une silhouette se présente au pied du donjon Qui es-tu, noble et preux cavalier ? Lancelot ? « Non ! Moi, c’est Prince Julot. J’ai vu de la lumière… »  Prince Julot, c’est cent kilos pour un mètre vingt. Myope comme une taupe, il cherche femme depuis vingt ans Il espère toujours trouvé le sublime, le divin Cette fois, c’est la bonne adresse, c‘est sûr, il le sent…  Le bougre entend la recluse… myope, certes, mais pas sourd ! « Qui chante ainsi ? » La Princesse se jette à la fenêtre « Mon Prince, tu es venu me chercher ! Mon Amour ! » Julot répond : « Ma mie, ici prend fin ma quête ! ».  « Badaboum ! ». « Qu’est-ce donc ? » s’inquiète Princesse Aglaë. C’est le Prince qui, de son fier cheval, a chuté, Puis roulé en faisant grand bruit, pour s’éclater Au pied du donjon, les idées éparpillées.  L’intrépide se relève, l’armure toute cabossée. « N’ayez crainte, ma Princesse, je n’ai rien de cassé ! » « Faites silence, qu’on ne nous surprenne, mon Prince aimé ! Ce serait trop bête ! J’attends depuis quarante années… ».  Bras tendus, Prince Julot avance à l’aveuglette… Il perd l’équilibre et se fracasse contre le mur « Qu’est-ce donc encore que ce bruit ? » s’inquiète l’ex-jeunette Dans la nuit noire, elle ne voit presque rien, pour sûr !  Au pied du donjon, elle devine une silhouette, Celle d’un homme rond, en arme, gisant face contre sol C’est Prince Julot qui reprend ses esprits en miettes : « Tout va bien, Princesse ! Je broutais un peu d’herbe folle ! ».  Il se relève avec une grande facilité Normal, son armure gît en morceaux, à terre… Le Prince Julot est certes en caleçon, mais casqué : « Hou, hou ! Hou, hou ! » lance-t-il, presque nu, mais fier !  Julot lève la tête. Il distingue une lueur. Pour lui, la chambrette n’est pas à plus de deux mètres. En fait, elle est à plus de vingt mètres de hauteur Mais l’Amour ne saurait se mesurer en mètres…  « Je suis venu te délivrer ! Vas-y ! Saute ! » La Princesse enjambe la fenêtre : « Grand fou ! J’arriiiiiiiive ! » Vingt mètres plus bas… « Boum ! ». Un sacré saut ! Le trou ? Profond de deux mètres ! Peu de chance qu’elle survive…   « Alors, te décides-tu ? Vas-tu enfin sauter ? » Demande le seul prétendant de feu Aglaë. Bras tendus, Prince Julot attend sa fiancée Le plus beau des cadeaux qui, du ciel, doit tomber…  A peine quinze heures plus tard, il renonce, dépité. Il suppose que sa bien-aimée l’attend, mais où ? Lentement, il se dirige vers son destrier, En contournant, toute fumante, une sorte de trou…  Dans la confusion, Prince Julot monte à l’envers Il attrape la queue de sa monture d’un revers ! Habitué aux frasques de son propriétaire, Le pauvre cheval s’éloigne en marche arrière.  Ma belle, décidément, le sort s’acharne sur moi Dit Prince Julot en s’éloignant « Soit, j’ai compris ! Je suis éconduit, mais je ne t’oublierai pas ! » Julot quitta l‘endroit, pas marié, mais fort mari. Â
Epilogue Le temps est passé. Le vieux drapeau aux emblèmes royaux qui claquait jadis au vent, a été remplacé depuis longtemps par une antenne de télévision. Selon une légende, habitait ici-même, il y a fort longtemps, une princesse d’une beauté essentiellement intérieure. Elle répondait au doux nom d’Aglaë. On dit qu’elle aurait quitté le château familial par une belle nuit de pleine lune. Dans la plus grande discrétion, un grand, jeune et beau Chevalier portant fièrement armure, le Prince Julot, l‘aurait enlevée sur son fougueux et puissant destrier, puis mariée en son magnifique château lointain. Mais, ce n’est qu’une légende… De nos jours, les touristes viennent en nombre, visiter le Château d‘Aglaë. Au pied du donjon, à un endroit bien précis situé à la verticale de la chambrette qu’occupa jadis Princesse Aglaë, un gigantesque mélange de plantes urticantes et malodorantes, de mauvaises herbes et autres redoutables épineux, recouvrent une forme singulière, comme une silhouette, bras et jambes en étoile, inscrite à jamais dans la roche. Jusqu’à aujourd’hui, aucun guide n’a su fournir une explication valable. Enfin, dans certains villages alentours, lors des traditionnelles soirées au coin du feu, les anciens content histoires et légendes aux plus jeunes. L’une d’elles raconte que, certains soirs de pleine lune, on voit parfois une ombre se glisser furtivement en bas des remparts pour venir s‘incliner, juste en bas du donjon, sous l’ancienne chambrette de Princesse Aglaë. Il s’agirait d‘un petit bonhomme en armure toute cabossée, montant son vieux cheval à l‘envers.
|