Plume de platine Inscrit le: 12/8/2012 De: 49130 Les Ponts de Cé (Anjou) Envois: 6412 |
Pauvre Œdipe Le malheur, assassin, écrase les humains, Maladie, accidents, frappent cruellement, Doit- on y lire vraiment le châtiment divin, S’il frappe les méchants comme les innocents ? Y a-t-il en ce cosmos un espoir d’harmonie, Ou à l’iniquité doit-on se résigner ? Œdipe portait sur lui le sceau de l’infamie, Un oracle avait dit qu’il fallait s’en méfier.
Le roi de Thèbes, Laïos, et Jocaste, sa mère, Ne pouvaient pas l’aimer, lui, la chair de leur chair, À l’un des serviteurs ils donnent des subsides, Pour qu’il les débarrasse du futur parricide. L’homme emporte l’enfant comme vulgaire gibier, À travers ses chevilles passe une cordelette, Un œdème vient enfler, soudain, son petit pied, Quand dans l’arbre il l’expose à l’appétit des bêtes.
Le destin, cette fois, se montre très clément, Car le roi de Corinthe passe sur le chemin, Il se désespérait de n’avoir pas d’enfant, Et, ravi, il adopte un si joli bambin. C’est donc banni de Thèbes que le petit grandit Et que fils de Polybe il devint, par hasard, Il devina sans doute qu’on lui avait menti, Le jour où un gamin le traita de bâtard.
Œdipe veut à tout prix savoir la vérité Il s’en va consulter la Pythie d’Apollon, Qui, à son habitude, lui répond à côté, Et balance aussitôt l’atroce prédiction : Il va tuer son père et épouser sa mère, De là , Freud a conçu le « complexe d’Œdipe », Qui fait que, tout petits, déjà les garçons flippent, S’éprenant de Maman et rejetant leur père.
En apprenant l’oracle, il est anéanti Et s’il quitte Corinthe à jamais, il espère Qu’il pourra échapper à ce destin maudit : Assassiner son père, coucher avec sa mère. Comme à ce sort tragique il voudrait se soustraire, Il s’en va vivre à Thèbes, cité des vrais parents, En croyant éviter la destinée contraire, C’est le chemin des dieux qu’il suit inconsciemment.
Car juste à ce moment, comme pour corser l’affaire, Dans la ville de Thèbes surgit l’épidémie, Et avant de savoir ce qu’il convient de faire, Laïos à Delphes s’en va consulter la Pythie. Que son fils est bien mort le père est persuadé, Son père vit à Corinthe, Oedipe n’en doute pas. Mais qui peut résister au destin obstiné ? Sans que nous le sachions, il dirige nos pas. Les chars de Laïos, d’Œdipe, sont nez à nez, Ils doivent, sur le champ, stopper leur équipage, Sur les routes exiguës ils se trouvent coincés, De faire marche arrière pour l’un d’eux serait sage. Ils sont psychorigides et tous deux orgueilleux, Chacun est convaincu qu’il est bien dans son droit, Œdipe, est sûr de lui, c’est un jeune homme fougueux, Laïos ne peut céder, car de Thèbes il est roi. Et les insultes pleuvent et l’on en vient aux mains, Œdipe ne sait pas qui est son adversaire, Qu’il eût cent fois mieux fait de passer son chemin, Mais la colère l’emporte : il tue son propre père.
Dans sa ville natale, où Œdipe parvient, Créon, frère de Jocaste, est monté sur le trône, Et la terreur y règne, car un monstre inhumain, Le Sphinx, ce vautour vêtu d’un corps de lionne, À tous ceux qu’il rencontre vient poser la question : « Quel est cet animal, quadrupède, au matin, Bipède le midi, et le soir sur trois pattes ? » Œdipe résout l’énigme sans une hésitation. C’est lui qui, cette fois, peut dire : « Échec et mat ! » Le Sphinx est condamné, selon la prophétie, Car, enfin, un humain connaît la devinette. Œdipe, le premier, a mis fin au carnage, Et le peuple, heureux, sans fin, lui fait la fête. Et les gens applaudissent, tous, sur son passage, Et Créon qui régnait, assurant l’intérim, Et voulant lui offrir la récompense ultime, Donne au libérateur sa sœur en mariage, Qui oublie aussitôt son tout récent veuvage. La seconde partie de l’oracle s’accomplit, Œdipe sans le vouloir assassine son père, Il ne pouvait savoir que tout était écrit, Il devient roi de Thèbes en épousant sa mère.
Aux côtés de sa femme, et mère, il devient père D’Etéocle, Polynice, Ismène et Antigone, Et de la ville de Thèbes il conduit les affaires, Élevant ses enfants comme le fait tout homme. Dans Thèbes sévit alors une autre épidémie, Et le roi se demande ce qui peut l’enrayer, Un messager à Delphes consulte la pythie : Le fléau cessera si Laïos est vengé, Le crime ne peut rester sans dommage impuni. Œdipe, loin de penser que c’est lui le coupable Appelle le plus célèbre des devins du pays, Comptant que lui, au moins, saura se mettra à table. Tirésias, qui connaît toute la vérité, Voudrait laisser Œdipe dans la brume totale, Il n’est pas disposé à tout lui révéler, Comme le roi insiste, c’est le tout qu’il déballe. « Œdipe, c’est toi qui es de Laïos l’assassin, Comme l’a dit l’oracle, il fut, hélas, ton père, Jocaste était bien celle qui te donna le sein, Tu as passé tes nuits dans les bras de ta mère. »
Pour Jocaste, c’est certain, le devin s’est trompé, « Laïos par des brigands fut tué au carrefour, Mon fils ce n’est pas toi, car il fut ‘exposé’ Ce ne peut être moi qui t’aie donné le jour. » C’est alors, de Corinthe, qu’arrive un messager, Annonçant que Polybe a quitté cette terre Afin que notre Œdipe ne soit trop affligé, Il dit que le souverain n’était pas son vrai père, C’est un enfant trouvé, adopté. Patatras! Tout le puzzle d’un coup se trouve rassemblé, C’était la vérité que disait Tirésias, Le berger-serviteur a fini par avouer. L’oracle d’Apollon est enfin reconnu. Au lieu de s’arranger les choses vont empirer Œdipe dans la chambre trouve sa mère pendue, Il s’empare de la broche à sa robe accrochée. Et se crève les yeux, ivre de désespoir, Lui qui voulait aimer, a récolté la haine, Il n’a plus qu’à attendre, bien sage, dans le noir, Avant d’aller mourir, chez Thésée à Athènes.
Il eût mieux fait Œdipe, de goûter chaque instant, Au lieu d’aller se perdre en analyses vaines ; Il traîna un peu trop chez les cartomanciennes, L’avenir que l’on scrute est toujours inquiétant. Était-ce sa faute à lui, celle de ses parents ? On ne peut éluder la tragédie humaine, Et la malédiction de tous nos descendants. Nul ne pourra jamais briser toutes les chaînes. Il faut cueillir le jour, le bonheur comme il vient, Et ne pas trop tirer de plans sur la comète, Car, quoi que nous fassions, nous ne sommes devins, Et Apollon déjà prépare notre défaite.
Dumnac
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