Tous les jours sur le fil...
Charrette au bout des bras le rémouleur avance
Dans les rues du village au pas de son métier ;
Il s’annonce ânonnant un refrain en cadence.
Sa machine ancestrale est le seul chantier
Où il prend chaque jour du bonheur à la peine :
Son labeur est prenant sur ce beau vieux boîtier.
Le pied sur la pédale il aiguise la veine
D’une lame au contour d’une pierre mouillée
Et le bruit qui en sort est cet air qui l’entraîne.
Tous les gens du village à gorge déployée
Le questionnent toujours sur le choix de ses sentes,
Pour savoir si sa vie est toujours employée.
Mais le vieux rémouleur, d’une mine glissante
Ne dit mot sur son cours et répond vaguement
Afin de se sortir de la mauvaise pente.
Les enfants indiscrets l’auscultent longuement
Voulant tous découvrir d’où vient cette sagesse :
Et l’homme, sans cligner, sourit benoîtement.
Quelques heures passées à rendre la finesse
Aux armes des bouchers, aux couteaux de maison
L’artisan de nos rues au fil donne jeunesse.
Puis sans se soucier du nom de la saison
Il reprend en sifflant tant de nouveaux chemins
Se disant, tout en lui, qu’il a bien sa raison
De ne point se mêler du bruit des parchemins.