"Que le carrelage est froid pour les pieds nus de l'enfance, pour peu que le souvenir, quelque âge qu'on ait, envahisse si vivement le corps, sitôt qu'on se dévêt ou qu'on se lève."
(Pascal Quignard - Le salon du Wurtemberg)
Dans mon enfance d'après-guerre
On ne se disait pas "je t'aime"
Mais on le devinait quand même
Sous les attitudes austères
Je revois la petite fille
Qui songeait près des champs de blé
Qui cherchait du monde les clés
Et s'endormait sous la charmille
Pas d'effusions, de la rigueur
Et cette angoisse de déplaire
A nos tout-puissants père et mère
Qui peinaient pour notre bonheur
La terre exigeait des efforts
Les plus jeunes y participaient
Glanant les épis, en été
Sous les rayons d'un soleil d'or
L'hiver, c'était le grand silence
La lecture, seule évasion
La vie en points de suspension
Au foyer, l'ordre et la présence
Je rêvais d'un plus grand partage
Qui effacerait les non-dits
Allégerait les interdits
Au tableau d'écoliers trop sages
Mais aujourd'hui nos enfants-rois
Sous la profusion des "je t'aime"
Face à leurs écrans, à eux-mêmes
Sont-ils si heureux qu'on le croit ?
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Ouvrez l'oreille, chaque mot possède un coeur qui bouge. (Nimier)