Plume d'argent Inscrit le: 16/7/2012 De: Envois: 341 |
Dame souris et messire chat Du sinistre logis, de l’antre poussiéreux, Si malfamé gourbis, digne d’un malheureux. Sans porte, ni volet, semblant un tas d’ordures, Encadré de paillis en guise de bordures, Tout jonché de semis ; raves, choux et radis Et mille autres trésors…, des fleurs, un paradis. Là , juste au beau milieu… suspendu, le silence, Parfois, la pauvreté jouxte au près, l’opulence. Mais, l’on ne se nourrit pas d’attendre et le temps, Commande au ventre creux de sustenter, longtemps Avant qu’il soit trop tard, l’appétit, la fringale, Lors, de ne point chanter, de n’être point cigale. Au moment de sortir et de pousser son huis, D’être silencieux et pour fuir les ennuis, De faire siens, ces mots, dicton, juste et suprême : « On est jamais mieux servi que par soi-même ! » Chaque soir, à tâtons, s’extirpe une souris, Quand la lune paraît et que les blés mûris Se colorent des ors que le soleil caresse, A l’heure où l’astre gris incline à la paresse. S’ennuageant d’un drap, moustaches au museau, La Dame fait danser ses pattes en fuseau, Se presse et dit : « J’ai faim et me voici, si belle ! Sur le jardin, les mets coulent en ribambelle. Je pourrais m’en lécher et pourlécher sans fin, Mais, il me faut toujours jouer à l’aigrefin. Courir et m’arrêter, user de subterfuges, Avoir ici, puis là , maints abris, maints refuges. Pour tromper, il faut bien se déguiser un peu, Je le fais par besoin et quelquefois par jeu ! » Regardez, la voici, si chétive et pimpante, Hors de son chaud terrier qui s’en va, galopante. Ses petits yeux tout noirs à l’affût des dangers, Que courent ceux nourris dans les garde-mangers ; Sans payer leur écot, qui vont faire bombance, Goûtent un peu de tout, s’en mettent plein la panse Et retournent, ventrus, digérer leur méfait, Mais, parfois il faut bien qu’ils soient pris sur le fait. « Que viens-tu faire là ? Marauder mon domaine ? » « Je cherche mon cousin depuis une semaine. Vieux rat, il s’est perdu, sans doute par ici ! Je le sais, fort gourmand, si j’en ai le souci, C’est que je ne voudrais pas qu’il vous importune Messire chat, qu’il ait, malchance et infortune, De croquer devant vous quelques goûteux fricots, Même si l’âge aidant, il perd tous ses chicots ! » Descendant, délicat et de haute lignée, Esthète et beau matou à l’allure soignée. Sa majesté répond : « Je vous en suis fort gré, Moi qui ai comme vous jusqu’au dernier degré : Le respect des anciens, le goût de la famille, Je sais que ce tracas, s’entortille et fourmille, Jusque dans l’estomac, de l’esprit tourmenté, Qui perd toute sa faim et sous-alimenté, Maigrit et dépérit ! » - Dame souris, opine, Acquiesce et tout de bon, s’en retourne et clopine, Ronde à faire pâlir…
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"La poésie est la langue complète, la langue par excellence, qui saisit l'homme par son humanité tout entière, idée pour l'esprit, sentiment pour l'âme, image pour l'imagination, et musique pour l'oreille". - Alphonse De Lamartine
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