Les pattes ensanglantées
À force d’avoir tant marché,
Épuisé, désespéré, sans escorte,
Il était là sur le seuil d’une porte,
Prostré dans sa grande souffrance,
Sans certitude d’un peu d’espérance.
Il est vrai qu’il n’était pas de haute lignée,
En tout cas pas de ceux qui ont pedigree,
Dotés de ce certificat et par leur origine
Posséder le droit d’avoir meilleure mine.
Lui, c’était un bâtard, un chiot de l’amour,
Sans authenticité, mais pas sans atours,
Enlevé de sa mère, à peine sevré,
Vendu à la sauvette un jour de marché.
Cela était-il suffisant pour cette infamie
Qu’on l’abandonne ainsi à la fin de sa vie !
Pourtant, il n’en conservait aucune rancune,
Persuadé même dans sa grande infortune
Que son gentil maître l’avait oublié,
Sans lui déposer ni laisse, ni collier.
Il ne comptait plus les jours et les nuits
Où il cheminait, recherchant sous la pluie,
La trace de la voiture qui l’avait amené
Au bord de cette route, chien abandonné.
Lui, dont la destiné était d’être fidèle,
Attentif au moindre commandement,
Toujours silencieux, jamais mécontent,
Il n’était pas préparé à un sort si cruel.
Qu’avait-il fait pour subir cet outrage,
Sinon maintenant d’avoir un certain âge
Dépendant du maître qu’il avait aimé,
Dépendant aussi de son amitié.
Hélas, quand on est bête au plaisir des humains,
Quand on devient vieux, c’est un fait certain,
L’affection qu’ils portent à l’engeance animale
Se transforme souvent en délit très banal.
Alors, si un jour, vous trouvez un de ceux-là ,
Perdu sur une route et l’air un peu las,
Arrêtez-vous quelques instants pour le caresser,
Vous ferez un heureux et serez remercié.
Chibani