Je ne sais si à mes premiers départs,
A mon originelle frénésie,
J'avais encor fait en mon sein la part
Entre ma vie neuve et la poésie.
Plus tard, quand je ressentis en moi
L'obligation sans trĂŞve de choisir
Entre le ciel rude des Samoa
Et la raison mĂŞme de ce plaisir,
J'ai tournĂ© le dos, bâtard ingrat, Ă
La sève essentielle des éléments,
J'accumulais de gros et gras tas,
Je quittais le pĂ´le, cherchant les aimants.
J'avais laissé filé, tout prêt du coeur,
Le cordon de soie qui anime les choses,
J'ai tissé en lui mes propres peurs,
J'ai laissé la racine pour la rose.
Il ne m'importait rien, en mon royaume,
Que la beauté, la beauté, la beauté,
Je n'ai pris que l'encre noire des psaumes,
J'ai pris les couleurs mais pas les reflets.
J'ai célébré cet unique cantique
Et j'ai bu les vers de ceux qui se taisent,
Mais vrai ! J'ai inventé, dans l'air statique
D'exubérantes huiles hollandaises.
J'avais décoré ma prison sans fin,
Fait élégant mon éternel asile.
Parfois cruel, je me disais : " Enfin
Voici venu l'heure de bruler le Brésil. "
Mais le fard souvent fait pleurer les yeux
Et se manifeste en nous le grand cri,
Qui c'est possible, effleurait nos aĂŻeux :
Quand on plonge enfin en ce qu'on Ă©crit !
J'ai tenté de m'enfouir alors dans l'être,
Mais comme je m'approchais plutôt de l'âtre,
Je me suis extrait de la force des lettres,
J'ai mis les pieds sur le seuil du théâtre.
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Se voiler la face, vivre d’illusions, refuser le temps qui passe ou de voir les inégalités, c’est vivre moins qu’une pierre.
Hafid Aggoune.