Je suis un homme ivre
qui danse...
qui danse...
qui danse encore
jusqu'au bout de la nuit...
Je suis un homme ivre
qui chante...
qui chante...
qui chante encore
jusqu'au bout de la vie...
Je suis un homme ivre
qui pleure
qui rit...
un homme qui a cassé ses vers
et qui ne voit plus rien
ni de près
ni de loin
dans les brouillards des saisons monotones...
Je suis un homme ivre
qui boit...
qui boit...
qui boit encore
les rosées matinales
les blancs immaculés
les rouges ensoleillés...
je suis un homme ivre
qui joue
avec un bout de ficelle
un morceau de carton
ou une vieille roue...
Je suis un homme ivre
marchant fièrement
sur les sentiers battus
dans les voies sans issue...
Je suis un homme ivre
qui a perdu sa mémoire
dans des glaçons d'hiver...
Je suis un homme ivre
tombé d'un berceau
et qui n'a plus de mouchoir...
Je suis un homme ivre
qui pense à un ami
parti un soir d'été...
Je suis un homme ivre
avec un gros nez rouge
des yeux qui pétillent
un coeur qui bat comme un fou...
je suis un homme ivre
plein de tics
plein de grimaces
qui fait le clown tout seul
qui rit encore aux éclats
quand la fête est finie...
Je suis un homme ivre
étourdi de beautés
un homme à l'envers
qui roule sous la table
et du mauvais côté...
Je suis un homme ivre
qui tangue...
qui tangue...
qui tangue encore...
et qui n'a pas peur de tomber...
Je suis un homme ivre
qui pense tout bas
qui rêve tout haut
et qui ne mâche pas ses mots...
Je suis un homme ivre
qui s'est brûlé la cervelle
en s'amusant avec le feu...
Je suis un homme ivre
qui passe à travers murs
qui marche sur les braises...
Je suis un homme ivre
qui voit double
la terre et le paradis...
Je suis un homme ivre
qui voit la fumée de l'invisible et du mystère
tout au bout de sa pipe...
Je suis un homme ivre
qui entend en pleine nuit
la douce voix des anges...
Je suis un homme ivre
celui du troquet mal famé
qui offre la tournée générale
à ceux et celles qui ont perdu l'espoir
et qui titubent sur des routes sans sourire...
gérard
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"Aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d'écrire un poème"
Extrait de "L'Artiste" de Charles Beaudelaire