La vieillesse
La vieillesse s’endort au banquet solitaire
Devant le dessert froid tout de sucre et d’amer
Et le menton s’affaisse sur la serviette bleue.
Deux mouches se disputent au-dessus des cheveux.
La vieillesse s’endort, pourtant sur l’écran bleu
L’homme aux mille cravates anime encore le jeu
Visiteur quotidien des esseulés de l’âge
Attendu comme Dieu, le bonheur dans la cage !
La vieillesse s’endort à peine le crépuscule
Dans les bras accueillant du fauteuil Ă bascule
C’est un corps replié, avachi, disloqué
Qui, pendant ces instants, cesse un peu d’exister.
La vieillesse s’éveille, sonne le téléphone,
Mais il est bien trop loin, il sonne, sonne et re-sonne.
Les doigts sont bien trop raides pour presser sur les touches
Et il est si discret ce : « Allo » sur la bouche.
La vieillesse s’éveille car l’on sonne à la porte,
C’est les repas du jour que le livreur apporte
Bien rangés dans leurs boîtes, dîner et déjeuner,
Morne et triste menu qu’il faudra bien manger.
La vieillesse s’éveille pour attendre en râlant
Le rayon de soleil aimable et bienveillant
Qui vient chaque matin pour faire la toilette
Et satisfaire un brin le besoin de causette.
Qu’elle dorme ou qu’elle s’éveille, la vieillesse sommeille.
L’esprit s’est assoupi, seul le corps est en veille.
Chaque instant se nourrit de basses calories
Et l’on ne sait pas bien, si c’est encore la vie.