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     Mère printemps
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Expéditeur Conversation
brirob
Envoyé le :  12/11/2016 16:19
Plume d'argent
Inscrit le: 14/11/2011
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Mère printemps
Mère Printemps

Chapitre I

Madame Valentin est surnommée mère Printemps car dès les beaux jours revenus, quand les arbres regorgent de sève, elle aime se promener entre les forsythias, les prunus aux branches gorgées de fleurs que les Japonais admirent tant qu’ils sont capables de rester immobiles pendant trois jours à les admirer. Mère printemps n’en est pas encore là mais elle traîne volontiers les pieds le long des allées qui relient les petites maisons réservées aux personnes du troisième âge afin qu’elles puissent trotter à leur allure, la canne à la main.

Mais la saison des amours n’intéresse plus mère Printemps depuis longtemps étant donné son grand âge, elle s’intéresse davantage à l’hiver, quand tout est sombre, même les idées car sombres, voire noires sont ses idées qu’elle abandonne au gré du vent d’autan quand le printemps furtif est oublié depuis belle lurette. A quatre vingt printemps, c’est presque normal. On pense à autre chose.

Ce qui l’attire le plus est le funérarium voisin qu’elle fréquente avec assiduité quand il est occupé, bien sûr. Les salons vides ne l’intéressent pas ; elle les connaît depuis toujours, cela fait pas mal de temps qu’ils existent et font partie du paysage. J’espère que vous savez ce qu’est un funérarium où vous êtes déjà allé en reconnaissance pour savoir son degré de compétence dans le traitement des insuffisances post mortem et que, peut-être, vous serez amenés à fréquenter par délégation à vos descendants venus vous dire adieu .

L’incinérateur ne la passionne pas non plus ; elle sait qu’elle se fera cramer – c’est son terme préféré - et que ses cendres seront dispersées aux alentours, sur la prairie du souvenir, champs catalauniques de la disparition physique ; c’est le retour à la nature cher aux Romantiques et quand on vieillit, on redevient mélancolique et romantique de surcroît quand on se rappelle les jours heureux de sa jeunesse dont on n’a pas assez profité, pense-t-elle à présent. Mais au cours de ses jeunes années il fallait trimer dur pour subsister, pour élever ses enfants ; c’était une autre vie, grommelle-t-elle entre les dents. Ah ces jeunes avec leurs scooters, leurs motos pétaradantes, ils l’ont belle. Nous…nous travaillions vingt cinq heures par jour….. les trente cinq heures, la RTT ah ah, nous avions le nez dans le guidon. Vous remarquerez en passant que notre mère Printemps a bien assimilé le vocabulaire d’avant-garde des jeunes générations chargées de subvenir à ses maigres besoins.

Vous connaissez la suite, de toute façon, elle ne paraîtra pas au prochain numéro.

Ainsi va la vie jusqu’au funérarium.

Elle rend visite aux défunts allongés sur leurs catafalques, attendant le round final, la courbette désuète d’adieu au monde des vivants.

Mère Printemps entretient en effet d’excellentes relations avec ce monde muet des trépassés ; elle leur parle du temps qu’il fait, de ses souvenirs – les vieilles personnes se surprennent à parler toutes seules – au moins il n’y a pas de contradiction dans ses lieux si réservés et si discrets.

Elle sait que ces corps sont en étroite relation avec les intermédiaires du paradis et elle aimerait savoir ce qui se dit là-haut mais personne ne lui répond ; ils ont la bouche cousue et ne peuvent plus raconter, eux qui sur terre savaient bien déblatérer sur leurs contemporains qui ne valaient rien, disaient ils ; ces bons à rien vont comparaître devant Saint Pierre, et inconsciemment, elle perçoit le cliquetis des clés que Pierre fait tinter aux oreilles aux aguets. Les impétrants sont si nombreux et les élus aussi rares qu’aux élections présidentielles (vous voyez qu’elle est bien au courant des faits majeurs de politique intérieure) se dit-elle en son for intérieur dans la mesure où un intérieur peut être fort dans ces circonstances exceptionnelles, si rares, où l’être humain est déjà presque en contact avec l’au-delà par le trépas.

Ainsi va la vie, se murmure-t-elle.

Chapitre II

.

Quoi qu’il en soit, son plus grand plaisir, si l’on peut oser, est de leur rendre visite lorsqu’elle fait son petit tour d’entretien – elle est un peu épaisse, disent ses docteurs – dans le quartier pour deviser avec les voisins avec lesquels elle entretient d’excellentes relations, selon l’expression consacrée……

Un jour, cependant, en poussant une porte, elle reconnaît une personne qu’elle a souvent côtoyée ; pour plus de sûreté, elle vérifie le nom sur la porte du salon – puisque salon il y a – Julie Bontemps, s’appelle la défunte. Elle se souvient alors.

C’est son amie Julie qu’elle a perdu de vue depuis longtemps, plus précisément depuis son enfance. Elle gît là sur le catafalque, son corps raidi par la mort qui l’a frappée à l’âge de quatre-vingts ans : quatre fois vingt ans, vous imaginez, également, l’âge de notre héroïne, sans allusion aucune…elle ne se drogue pas.

Elle ose lui adresser la parole – les vieilles personnes parlent souvent seules, ai-je déjà dit – mais peut-il en être autrement, elles aussi sont si souvent isolées…Elles parlent à leur bonnet, cela ne nuit en rien à l’environnement puisque là où elles s’expriment le silence est «dort.»

- Te souviens-tu quand nous jouions à la marelle ou à Colin Maillart; quand nous allions sur la place du village danser avec de gais lurons qui tentaient de regarder sous nos amples jupes nos attraits cachés, dissimulés dans un corset serré à en étouffer ? Nous étions jeunes et pleines d’ardeur, de rêves fous ; nous pensions épouser le roi du Népal. Pour nous ce nom était magique et excitait notre imagination. Nous pensions vivre à Lahore…..nous ne savions pas où ces lieux se trouvaient, mais peur importe…Nous, nous…..rien que nous, songes fous fougueux .

« Finalement, nous nous trompions ; moi, je suis restée commerçante au village ; j’ai toujours travaillé comme une dingue et toi, qu’as-tu fait de tes jeunes années passées non à la montagne mais sur le champ de bataille de la survie…. Pour gagner quelques sous. »

La morte reste bien entendu muette, Ă©tendue sur son lit de malheur.
Mère Printemps en est tout inquiète.

Alors, elle ajoute :

« Te rappelles tu sœur Thérèse, notre institutrice qui n’hésitait pas à nous donner de la canne pour faciliter notre apprentissage de l’orthographe ? Il est vrai que nous le méritions. J’étais si mauvaise en écriture ; mais toi, c’était encore pire, ajoute-t-elle dans un soupir, de soulagement sans doute. Ses souvenirs de classe n’étaient plus très clairs, mais elle se souvenait que Julie dépassait toutes ses espérances en histoire de France. Elle n’était pas horrible dans toutes les disciplines, des matières à réflexion, et il y en avait à foison. »

Naturellement, la pauvre Julie ne répond pas ; muette à jamais, éclairée par quelques candélabres fumeux et hésitants. Mère Printemps continue cependant à parler, comme si elle ne comprenait pas que sa pauvre compagne est roidie à jamais, prête à achever son séjour ici bas.

Chapitre III

Une autre fois, elle découvre avec surprise le nom de Juliette Durand, avec un D comme dans Dupond et Dupont. Elle pousse la porte du salon avec circonspection. S’agit-il bien de Juliette, la petite peste avec laquelle elle a eu tant de différends, étant enfant, se demande-t-elle perplexe ?

Elle se rappelle quelques souvenirs, les incartades de Juliette, ses réponses saugrenues à la limite de la politesse à la maîtresse. Ce n’est sûrement pas elle, se dit-elle ; ce n’est pas possible.

Mais si, c’est possible, constate-t-elle, en reconnaissant le poison qui l’avait poursuivie de ses sarcasmes quand Juliette l’avait dénoncée devant la classe pour un menu vol à main armée….désarmant, n'est-ce pas ?

« - Te souviens-tu quand tu m’as dénoncée à mes parents pour quelques œufs que j’avais dérobés à ta couvée ? »

Elle ne savait plus quand, exactement, cela s’était produit, mais toute sa vie elle l’avait ressassé, ce méfait, ce larcin, dirait-on plus communément – ein Bagatelledelikt- aujourd’hui. Comment faire confiance à ses amies ? Vous voyez bien que cela n’est pas un problème d’aujourd’hui. Déjà à cette époque….les banlieues étaient synonymes de bas lieux, refuge des miséreux et des pouilleux .

« Tu fus toujours un poison. Ne sois pas étonnée que je t’en veuille encore aujourd’hui. Ce jour là, j’ai pris une sacrée raclée par un père en colère qui ne m’a jamais pardonné cet horrible méfait » affirmait-il.

Mes pauvres fesses firent l’objet d’un massacre systématique au bâton conforme à l’éthique de l’époque, séant tenant. Je m’en frotte encore l’arrière plan quand j’y pense. C’est un souvenir cuisant pour mon pauvre cuir qui n’avait pas vraiment mérité pareil châtiment.

Elle se met à se frotter le postérieur séant tenant; elle éprouve encore de la douleur, mêlée à la rancœur sans doute.

Et de plus, son amour propre en avait pris un coup ce jour là. Jamais son père ne s’était libéré de son stress de cette façon. A l’époque, le fouet était facile et la repentance un devoir.

Chapitre IV


Se rappelant ses souvenirs malheureux, son honneur outragé, elle pense à se venger Post Mortem et prépare un café frappé de mauvaises intentions car le Paradis auquel Juliette aurait accès, cela est certain, car seules les pestes y ont droit, est toujours pavé de mauvaises intentions ; elle l’apporte, dissimulé dans un panier, enveloppé habilement dans un torchon à carreaux, comme il se doit puisque c’est la mode à la campagne d’envelopper tout dans un torchon, même ce petit récit confus qu’elle nous dédie y a droit.

« La vengeance définitive est proche, se dit-elle, à moi Juliette, deux mots, toi qui m’as fait perdre la face arrière....»

Mère Printemps a de l’humour et en même temps des connaissances littéraires qu’elle a pu assimiler au cours de ses soirées, quand les enfants lui en laissaient le temps.

Mal lui en prend, elle est alors frappée de malaise et les gens qui la découvrent sont heureux de la ranimer grâce au café préparé par ses soins. Ils lui glissent la boisson poison entre les lèvres. La vengeance fait son effet….par malchance.

Vous devinez ce qui s’ensuit, Mère Printemps meurt à contre temps dans un spasme violent, raidie d’un coup comme l’héroïne de Montherlant : la reine morte hors de l’arène mais selon une certaine mise en scène assez théâtrale, vous en conviendrez. Vilaine mort car elle survient telle un coup de dent dans une famille pieuse et compassée dans ces salons, antichambres de la mort…. ou du Paradis.

Personne ne soupçonna dans cette fin, le noir dessein qu’elle avait nourri dans son sein. Mère Printemps mourut ainsi d’un petit rien…Cela ne vous rappelle-t-il pas certains faits hystériques ou historiques... ou maléfiques ?

Signé Brirob: le souffle de Maupassant avant ou par delà les ans…..

1786 mots année 2009
Pleurs:
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