Recroquevillé au fond de ma cellule, j’entends les battements de mon cœur qui fluctuent au rythme de la vie. Je suis dans un vide artificiel où la notion de matériel n’existe plus. Je dirais simplement que je me trouve dans un état de « nulle part ».
Je n’éprouve aucun besoin particulier. J’ai perdu l’appétit et n’ai plus goût à rien. Je ne considère plus la lecture comme un instrument de progrès, mais plutôt de récession. Mes contacts avec les gardiens restent pour le moins sommaires. Ils se résument à quelques gestes automatiques de la tête pour acquiescer ou renoncer. Cela fait deux jours que je n’ai pas prononcé un mot. Même la parole me semble de trop.
Sur la table en face de moi, une lettre sur laquelle je peux lire en caractères gras :
« L’exécution du détenu ci-dessus nommé est prévu pour le mardi 12 Décembre 1928 à 6H00 précises »
Mon seul espoir : une grâce signée de la main du Président Coolidge.
Je m’y accroche sans trop y croire. Coolidge est avant tout un Républicain qui ne prendra certainement pas le risque d’une grâce controversée à un an des élections. Alors, pourquoi survivre ? J’y ai bien pensé, mais comment m’y prendre ? Les gardiens m’ont tout confisqué : mes vêtements, mon argent, mes chaussures, mon âme.
Je pense que la folie me guette. J’aime fixer un objet dans la cellule jusqu’à en pleurer. Hier, j’ai fixé attentivement pendant deux heures le pied de la table. On dirait que cette image est restée collée au fond de mon cerveau. Je visualise nettement chaque nervure dans le bois, chaque défaut, chaque écaille de peinture. Lorsque j’essaye de m’endormir, cette image ne me quitte pas. Elle est le seul élément qui me rattache à la vie.
Demain, nous serons le douze. Demain, je serai libre.
Tiens, une mouche s’est introduite dans ma cellule. D’où peut-elle bien venir ? Suis-je bête : la trappe d’aération ! Quelle chance elle a de pouvoir naviguer d’une cellule à l’autre !
Je deviens vraiment cinglé ! J’envie cet insecte répugnant alors que je suis un homme doué de raison ! Me l’aurait-on confisquée également ?
Vivement demain que tout se termine enfin ! D’après ce que j’ai pu apprendre, une première décharge de 2000 volts pendant une dizaine de seconde est appliquée entre deux électrodes situées sur la tête et sur une jambe. Elle a pour but de réduire la résistance de la peau. On applique ensuite une seconde décharge de 500 volts pendant vingt secondes. Cette tension est réduite pour éviter au corps de s’enflammer. On vérifie alors que le condamné est bien mort.
Bientôt, le condamné, ce sera moi…
La nuit ne m’a jamais parue aussi courte. J’entends les pas des gardiens au fond du couloir. Il doit être environ cinq heures. A cette heure-ci, le président Coolidge doit dormir profondément, tout comme mes accusateurs. Combien d’innocents ont-ils sur le cœur ? Un de plus ou un de moins, quelle importance !
Mes pieds sont gelés, je suis transi. Mes inspirations sont des supplices. Mon estomac noué semble prostré pour l’éternité. La clé tourne enfin dans la serrure. Liberté, liberté chérie ! Te voilà enfin dans tes plus beaux habits !
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Valli
