DĂ©jĂ le jour se meurt,
Et le soleil, en peine, pleure…
Il laisse s’affaler
Ses rayons épuisés,
Sur l’onde qui frémit
De se trouver jaunie….
Les péniches se traînent lentement,
Et terrassent lourdement
Les ridules marquées
De l’onde inanimée…
L’arrière dégorge un peu
De cette Ă©cume bleue
Qui rend le flot mousseux…
Assise dans mon train,
Je regarde au lointain,
Les nuages de brocart,
Que des balafres barrent
Quand les avions s’égarent,
Venus des autres parts,
Pour partir au hasard…
Le ciel semble crier,
De cicatrices presque trop mutilé,
Et laisse s’échapper
Ses humeurs enflammées,
Sa douleur rentrée,
Qui mes yeux vient blesser.
Dans mon morne voyage,
Je fuis le paysage,
De ce monde sans partage,
Des hommes le naufrage,
Cet Ă©trange sillage
Qui voile les visages.
A trop courte distance,
Une ville s’avance
DĂ©cimant mon silence
Rien que par sa présence…
Ses bâtisses austères,
Grandes tours guerrières,
Sont châteaux éphémères,
Comme statues dressées
Pour une gloire usurpée,
De l’argent, le péché…
Et si d’or elles se parent,
Illuminant les barres,
De ces Ă©clats qui flamment,
De l’orgueil oriflammes,
C’est parce que de nos âmes,
Un jour nous abdiquâmes…
Sur le carrelage des vitres sales,
Le jour s’enferme, de plus en plus pâle,
Du soir, les ombres s’installent.
Et les volets se ferment
Peines et bonheurs enferment,
Du monde qui bouge, la mise à terme…
La ville est contre jour,
S’illusionnent les toujours,
Brouillage des contours
Confusions des amours,
Quand l’odeur sang brulé
De la fin de journée
Sur des hommes épuisés,
La fait naître étincelle,
Comme toujours infidèle,
Si belle en irréel…
Mais les roues m’ont menée
Sur les terres labourées,
La plaine déjà se fauve
Et le soir se mauve…
La lumière s’est échouée,
Et se ruisselle ambrée
En venant se poser
Aux cimes décapitées
De ces beaux peupliers.
C’est déjà mon arrêt…
Et le soir n’est pas prêt,
Il tombera, tout à l’heure, à la gare d’après…
Je ne peux pas attendre,
C’est là , je dois descendre.
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Françoise Pédel Picard