Estime-toi heureux
Dédié à Mohamed Oussous
( Complaintes d'une veuve peinée parmi tant d'autres en notre terroir auprès de la tombe de son mari )
Comment est-ce que je vais ? !
Depuis que tu m'as quittée,je suis bouleversée
Au fardeau de peines j'ai plié l'échine..
Toi mon bien-aimé
Estime-toi heureux..Tu t'es reposé
Tu as retrouvé ta liberté
Ton abri tu as occupé
Tu n'as plus faim
Tu n'as plus soif..
Voici un peu d'eau
Que ton âme boira
Voici un peu de bouillie
Au pied de l'épitaphe
Mais comme tu es inerte
Elle est aux oiseaux offerte
Laisse-les y picorer
Moi je repartirai
J'ai laissé les enfants seuls
Ils sortiront tôt
Quel témoignage ai-je ?
Des jours que te dirai-je
La peine est semblable aux broussailles
Qui poussent à même les os
La faim on dirait des tenailles
Qui lacèrent les entrailles
Le soleil qui se mire là -haut
Me voit sous le fagot
Tantôt je suis aux prés
Tantôt aux mets je me mets à préparer
Nous te pleurons la marmaille et moi
Tu nous manques tellement ma foi
Les larmes se refusent à sécher
Nous voilà pareils
A un essaim d'abeilles
Eparpillé
Par les rafales des malédictions dispersé
Repose-roi dans ta tombe mon bien-aimé
Estime-toi heureux
En ton ultime voyage
Voici l'hiver qui s'amène
Et le froid dans les veines
Passe..
Tracasse..
Des couvertures la neige nous a tissées
Toi tu te reposes ô que tu es verni !
Que ta tombe te soit bénie !
Les charençons me la rendent amère
Ils ont rongé toutes mes réserves
Même le kélem n'est épargné
Les murs sont quant à eux nus
D'humidité sont vermoulus
Le fékih m'envoie son émissaire
Qui me réclame ses victuailles
Repose-toi dans ta tombe mon bien-aimé
Les enfants..Moi
Nous te pleurons
Tu nous manques tant
Des amis que vais-je te dire
Il est des fois où il m'arrive
De me dire:
Si seulement je pouvais retrouver
Ces ciseaux-là qui avaient coupé
Les fils qui à la vie te liaient
Mais comment vais-je oublier
Nos enfants et leurs enfants
Qui tels des oiselets ouvrent grand la bouche
Pardonne-moi
Une goutte de larmes
Que j'ai beau enfermer
M'a enfin échappé
Je l'ai pourtant longtemps gardée
Or mon coeur n'est point musardé
Je repartirai
Demain..
Si le temps ne me retient
Si mon genou va bien
Je reviendrai
Repose-toi dans ta tombe
Farid Mohamed Zalhoud
Notes du traducteur:
"Yarghud ak"(Estime-toi heureux) est un poème extrait du recueil de poèmes Amazigh intitulé "Timqqa n Fad"(Goutte de Soif) de Mohamed Oussous et d'Abdellah Elmennani.Je l'ai traduit en langue française dans le but de faire connaître la poésie Amazigh au lectorat francophone du site Oasis des Artistes.J'espère avoir êté fidèle à l'âme du poème et à l'intention du poète.
Farid Mohamed Zalhoud dit Amedyaz sur Oasis
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Manet
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