Fable pour un [èr] [o]
C'est un vieux chêne légendaire,
De la futaie, porte-drapeau,
Les ouragans les plus sévères,
Même les plus furieux fléaux,
N'ont pu vaincre ce centenaire,
On est très loin du baliveau.
Il fut Grand Maître au ministère
De la forêt de Chenonceau,
La Fontaine en fit son critère
Pour son héros de fabliau,
Racine et tronc, durs comme fer,
Suzerain des bois Tourangeaux.
Mais de nos jours, on n'a plus guère
Que des bosquets ou boqueteaux
Et quand les futaies se changèrent
En avenue ou parc Monceau,
On vit ce malheureux grand-père
Ombrer l'allée d'un bungalow.
C'est un vieux mâle solitaire,
Joyeux compagnon des marmots,
De balançoire en garçonnière,
Il fut témoin de tous leurs maux.
Chagrin, amour, ils le gravèrent
Mais la mémoire erre à vau l'eau.
D'héritiers en propriétaires,
Les galopins, changés salauds,
Décidèrent de mettre à terre
L'arbre qui défia Roseau.
Pauvre vieux chêne mortuaire,
Les bûcherons vont à l'assaut.
Ni requiem, ni prière,
Pour stopper la pluie de copeaux,
Les tronçonneuses meurtrières
Entament le chant du tombeau
Et notre majesté altière
D'être convertie en fagots.
Moralité, au cimetière,
On y oublie tous les costauds.
Tous les nantis, les millionnaires,
Y effleurent le populo.
Et cette union plutôt enfer
Est loin de flatter leur égo.
Vu que postérité sur Terre,
C'est pour Mozart ou Picasso,
Pour que ton nom passe poussière,
Tu dois tutoyer le Très Haut.
Seul le divin passe frontière,
Planant bien haut, bien haut, bien haut.
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Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette jamais dans une vie (Oscar Wilde).