Le diable devant les portes du paradis...
A bien des étages d’ici-bas,
Entre le nuage et le faux pas,
Une situation des plus burlesque,
Se déroulait devant les lieux célestes.
Agenouillé devant les portes du bonheur,
Le diable habituellement des plus austère,
Dont l’unique plaisir son pacte avec la terre,
S’était déterré du trou d’où il brûlait d’horreur,
Et venait briser son orgueil tellement maudit,
Pour quémander à l’ennemi son agonie…
Le maléfique paressait bien décontenancé,
Son pelage de braise suintait sous l'épée,
Le regard aigri à celui d’un manant éprouvé,
Il voyait sa fierté partir dans la cheminée.
On distinguait une mâchoire si embarrassée,
Que ses crocs présageaient une faste infirmité,
Sa ténébreuse armure dépourvue et tapageuse,
Croustillait sous les coups répétés de la maladie,
Et d’un acte de dernier carrat face au percepteur,
Il se priva d’une corne devant les portes du paradis…
« Les cœurs généreux et chanceux sont les tiens,
Les cœurs esseulés et oubliés sont les miens! »
Acclama-t-il entre deux toux grasses et éraillées,
A ces mots comme un sésame ouvre toi divulgué,
De vastes ailes bénites s’emparèrent du ciel érudit,
Et les portes du paradis s’ouvrirent de mille bruits.
L’étendue divine s’exhibait sous ses pupilles pâles,
Le diable scruta sciemment les jardins de Versailles,
Où les âmes pures filaient à foison devant son nez,
Car il doutait déjà de quelques présences usurpées…
Et ce fut dans la plus flamboyante des modesties,
Que le maitre des cieux endossa son habit d'apparat,
Un smoking blanc des plus aveuglants dernier cri,
Un nœud de lépidoptère sur mesure Giorgio Armani,
Moustache en guidon généreuse et réoeuvrées,
Un brin narcissisme à travers un Moonwalk maitrisé,
C'est alors qu'un tonnerre d'applaudissement tonna,
Quand le créateur se mit en scelle sur son arc-en-ciel,
Et dévala la pente de façon à conclure l'apothéose,
L'archétype venait de donner signe de vie suprême...
Soudain les habitants des nuages se dispersèrent,
Les uns rentrèrent chez eux d’autres se planquèrent,
Le diable lui bien désintéressé à jouer le bourreau,
Se mis Ă Ă©noncer la panoplie de ces pauvres maux;
" Quel est ce supplice venant choir sur ma vanité?
Je m’enrhume! Vois comme je tousse la gaieté!
Ma peau s’illumine! Je donne l'envie d'être consolé!
Aide moi à retrouver la cruauté qui m’est destiné!
Admire comme le vif rouge se meurt en mes veines! "
Gémit-il en jetant sa corne jusqu’au bout de l’Éden…
Afin d'argumenter sa réflexion de façon experte,
Le tout puissant s'en alla trinquer avec la science,
Il leva les yeux et hissa le doigt béni vers l'univers,
Et d'un phraser à décoiffer toutes les éloquences,
" Mon cher confrère! Perdriez-vous votre épiderme?
Voilà que vous vous arrangez sans en être éveillé,
Vous jetez le pelage diabolique pour élargir votre perversité!
Vous allez pouvoir descendre en bas et profiter Ă terme,
Vous allez pouvoir exercer d'un leurre plus adapté,
Car je n'ai pas la place pour toutes les âmes désœuvrées! "
Dieu disparu retournant Ă ses habitudes olfactives,
Les portes du paradis se refermèrent dans la stupéfaction,
De celui qui venait de comprendre sa supercherie,
Il Ă©tait bel et bien l'exemple d'une redoutable adaptation,
Que le simulacre est sans faille quand il devient insaisissable,
Devenir démago pour assainir une notoriété pathétique,
Le diable venait de comprendre la pesanteur de l'ancrage,
L'art machiavélique de se feindre dans un peuple esthétique,
Le pouvoir de convertir un individu par un judicieux bras de fer,
Et faire signer peut-être toutes âmes d'un pacte avec l'enfer.
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L’inspiration émane de sous le pétale,
Pour que fleurisse un ténébreux nénuphar!