Plume de soie Inscrit le: 7/8/2011 De: Envois: 174 |
NUIT NUIT
C’est la nuit que commence le jour.
C’est la nuit. Une forêt, un enfant, la peur, une course folle pour la survie. La mort ? Non, le réveil. Se rendormir, se rendormir. Se réveiller, se lever. Se hâter, courir. C’est le jour et courir encore. Etre prêt, à l’heure dans le monde, à l’heure du monde. Aller pour pouvoir revenir. En revenir et s’en étonner chaque jour. S’étonner tous les matins de reprendre la route, toujours la même. Enfin, pas la même chaque jour – à chaque jour sa route, à chaque jour sa peine – mais chaque fois un chemin déjà mille fois emprunté. Et pourtant redécouvert à chaque passage, nouveaux détails, nouveaux obstacles, d’autres jamais croisés jusqu’alors. Et soi-même, se voir soi-même dans un carrefour, dans une allée, dans un corridor, dans un labyrinthe. Perdu. Se voir perdu. Puis ne plus se voir mais se savoir au milieu de rien, au milieu d’un tout entremêlé, sauvage et hostile. Imaginer misères.
C’est dans le jour que prend naissance la nuit.
C’est dans la vie que s’envisage - car sans visage - la mort, dans le début que se dessine la fin. Mais oui ! Pour lui donner un contour à la mort, et la faire exister pour parvenir à lui post-exister. C’est dans l’être qu’apparaît le non-être, cet insubmersible. Celui sur qui tout est à refaire à chaque réveil, à chaque naissance, sur lequel il est vital de créer, de se récréer, pour s’en jouer ! Comme si la faculté de se faire un parterre solide et stable au fil des pas nous était innée. Comme s’il était évident de vivre.
Le poète dit : « Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage L’art est long et le temps est court »* Alors il faut une âme d’enfant pour mener à bien l’ouvrage sans que cela ne soit autre chose que jeu ; il faut un cœur juvénile pour que les couleurs des souffrances quotidiennes soient arlequines.
*Baudelaire, LE GUIGNON, Les Fleurs du Mal
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