Voilà c’est décidé,
La mer va remonter.
A nouveau, elle viendra délaver
Toutes les rides tachées
Qui ont marqué la plage,
Et creuser son image,
Ravages du fond des âges…
Quand elle aura mouillé
Les pieds de la jetée,
Qu’elle aura inondé
La baie toute ensablée,
Elle aura terminé
Son tellement long voyage,
A passer en portage
De barges sans allure,
Aux charges sans futur…
Parfois elle cessera
Sa course sur le Raz,
Juste pour regarder,
Sur la côte posées,
Les mouettes de passage
Au strident bavardage,
Qui guetteront en bande
Ces hommes qui s’étendent
Pour se faire tanner
Par le soleil d’été,
Comme des pommes ridées…
Quand elle fera la trĂŞve,
Elle viendra sur la grève
Ourler un brun feston,
Fait de bouts de goémon,
Qu’elle aura ramassés
Au fond de l’océan,
Lambeaux de beaux rubans,
Pour venir lĂ Ă©crire
Ce qu’elle ne sait pas dire,
Construire des souvenirs,
Pour leur apprendre à rire…
Dans son vagabondage,
GĂ©missements et naufrages,
PĂŞche de coquillages,
Mise en scène de paysages,
Elle ira détacher,
Aux flancs des grands rochers
Qu’elle saura approcher,
Des brassées de ces fleurs
Dont l’unique senteur
Et celle du vent salé
Quand elles vont dessécher…
Et puis avec le temps,
Elle oubliera les atermoiements,
Les soi-disant,
Les désenchantements,
Et ses poissons sanguinolent
Que les hommes tuent si violement
Sans même avoir le besoin du sang…
Alors, elle reprendra le vent,
Retournera dans les ports,
Ecoutera de ces chants de tribord,
Avec les marins elle jouera au corps Ă corps,
Fera baller bord Ă bord
Les bateaux toutes voiles dehors,
Leur gardera de beaux décors,
Pour que toujours, ils restent forts…
De ses couleurs indulines
Teintera les galets d’opaline,
Que les enfants ramasseront,
Et sur leur cœur cacheront,
Ou dans les poches serreront…
Parfois dans ses colères,
Coupantes comme le verre,
Elle jettera Ă la terre,
Des rafales de pierres,
Ne se laissera pas faire,
Redevenant guerrière
Parce qu’elle est entière
Et bien trop solitaire…
Puis elle se calmera,
Les cailloux polira,
Du sable refera,
Qu’elle promènera,
De bras en Raz,
Pour que ses hommes lĂ
Puissent y marquer le pas…
Alors, elle redescendra,
Et reviendra Ă chaque fois,
Mouiller les pieds de la jetée,
Toujours elle restera accoter….
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Françoise Pédel Picard