Comme dans une jarre emplie de doux serpents,
S'entrelacent nos doigts, ô moites chenapans,
Dans la clarté troublée d'un désir insidieux
S'abandonnent nos sens, dévoués à leur dieu.

Notre métamorphose au pays de Bacchus
Nous soumet au pêché de couleurs d'hibiscus,
Et nos doigts continuent, comme des cous de cygnes
A s'éprendre, amuïs, de leur chair qui s'indigne.

Ils arpentent les rues, les venelles suintantes,
De l'amour pris de fougue et de joies éreintantes,
Soudain exiguïté et force s'aventurent
Sous la griffe acérée de cette créature.

Puis l'intime douleur disparaît en laissant
Nos mains se murmurer des secrets saisissants,
Reines d'un mimétisme où les corps sont en scène,
L'érotique égérie n'a pourtant rien d'obscène.

Et nos doigts continuent, tentacules glissants
Par-delà les pulsions de nos corps gémissant,
Accablés mais comblés par le grand sortilège,
Nul oracle ne dit le temps du privilège.

Et nos doigts continuent, impuissants, à se battre,
Apaisant leurs ardeurs qui tendent à s'ébattre,
Accablés mais comblés par l'humble envoûtement,
Nul oracle ne sait où l'on va doucement.

L'homme continue à remuer le doigt plein dans la plaie de vivre, croyant à un miracle qu'un jour arrive la paix...